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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

 

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

La jusquiame noire, hyoscyamus niger, au pays des sorcières

Sorcières, chamanes et culte de la Grande Mère sont souvent associés à la jusquiame noire. Elle est utilisée en homéopathie sous le nom de Hyoscyamus niger, un remède dont la problématique est génitale.

Le remède homéopathique et la plante

On trouve chez Hahnemann la jusquiame noire, hyoscyamus niger L. dans son « Traité des Matière Médicale ». Le remède est préparé à partir de la plante entière fleurie.

Hyoscyamus niger est une plante d’odeur nauséabonde, de 30 à 60 cm de hauteur, à tiges et à feuilles velues. Ses principaux alcaloïdes sont la hyoscyamine et la scopolamine.

Le nom vernaculaire jusquiame nous vient du bas latin jusquiamus, altération du mot grec originel. Le grec ὑοσκύαμος (huoskúamos) signifie fève de porc. On connaît l’assimilation du dieu Seth, meurtrier d’Osiris, au porc. Les Gaulois l’appelaient Belen, car consacrée à Belenos, dieu de la lumière. Dioscoride (Les VI livres de Pedacion Dioscoride. Lyon. Thibault Payan. 1559. p. 374) décrit trois espèces : « L’une qui fait la graine noire, les fleurs quasi purpurines, les feuilles semblables au smilax… ».

Il recommande d’éviter la noire qui est la plus toxique. Elles sont narcotiques, stupéfiantes, assoupissantes et souvent mortelles pour les animaux qui en mangent.

 

Symbolique de la jusquiame noire

 

Sorcières, chamanes, culte de la Grande Mère

L’usage de la jusquiame est ancien. Les auteurs grecs et latins en parlent. La jusquiame (de la famille des solanacées) était connue pour être une plante particulièrement dangereuse et dont il fallait user avec beaucoup de précaution (cf. Ducourthial – Flore magique et astrologique de l’antiquité – Belin. p.330).

Le Moyen-Age connut l’utilisation de certaines solanacées dans des boissons et onguents lors de rituels magiques de sorcellerie.

L’intoxication provoque une désorientation, un délire, un sommeil peuplé de rêves. Hyoscyamus niger, était réputée être la jusquiame la plus puissante, puisqu’elle pouvait engendrer la folie.

L’usage quasi chamanique de cette jusquiame était certainement lié à des cultes anciens, cultes de la terre, de la terre mère, de la Grande Mère. Comme l’écrit M. Eliade dans son Traité d’histoire des religions :

« Une des premières théophanies de la terre, en tant que telle, en tant notamment que couche tellurique et profondeur chtonienne, a été la maternité, son intarissable capacité de porter des fruits. Avant d’être considérée comme une déesse-mère, comme une divinité de la fertilité, la terre s’est imposée directement comme Mère, Tellus Mater ».

La sexualité

Après une vie utérine symbiotique de neuf mois suit une période orale, puis anale. Au-delà de la 3° année apparaît une période où l’enfant découvre le plaisir à uriner, à se toucher les zones érogènes, avec une véritable curiosité. Il va poser des questions sur ces zones mystérieuses, sur le pénis, sur les seins. L’enfant se masturbe souvent, ce qui peut passer inaperçu ou parfois scandaliser les adultes.

Après une période de latence, le stade génital de l’adolescence va encore accentuer le trait.

La période infantile (et à fortiori celle de l’adolescence) est une période d’émoi, de peur. Il ne s’agit plus seulement de la peur de l’abandon, de la solitude, de la fin de la symbiose avec la mère. Il s’agit aussi de sensations nouvelles qui envahissent l’enfant : émotion, de séduction,  jalousie qui peuvent perturber au point d’affecter le comportement et le sommeil.

Nous étions plutôt en présence d’un espace de totalité d’union des opposés masculin-féminin, dans la phase de l’Ouroboros maternel, évoqué par Erich Neumann dans Origines et histoire de la conscience, que dans un monde génital. C’est alors que les forces inconscientes,  latentes jusque là, vont surgir et s’exprimer sur un mode sexualisé.

La chasse aux sorcières

Cette pulsion sexuelle, témoin d’une énergie profonde indomptée, apparut diabolique aux religions nouvelles désireuses de canaliser un inconscient débordant par une maitrise et une mâle rigueur.

C’est ainsi que les druides et autres mages, les sorcières furent pourchassés et relégués au rang des manifestations plus ou moins diaboliques d’un univers empreint d’animalité et de pulsions maléfiques.

La « science institutionnelle » continua cette mise au rebut, au rang de balivernes malsaines, de conceptions trop primitives à ses yeux et qui ne pouvaient cadrer avec les paradigmes rigoristes de la pensée officielle et de ses critères dominants.

Rosarium et Psychologie du transfert de Jung

Pour illustrer cette période sexualisée nous nous penchons sur la troisième figure du Rosarium qui montre le couple rencontré dans la seconde figure de l’ouvrage. Les enfants qui étaient si pudiques sont maintenant nus. Jung précise dans la Psychologie du transfert – Albin Michel. p. 99 :

« Les voiles de la pudeur sont tombés. L’homme et la femme sont l’un devant l’autre dans une attitude naturelle, sans retenue ».

On sort du cocon symbiotique et paradisiaque de la petite enfance. Ce que disent le soleil et la lune se rapporte à l’amour terrestre.

La nudité du soleil et de la lune traduit une passion endogamique entre le frère et la sœur. On est devant un tableau qui évoque Adam et d’Eve, deux enfants innocents qui vont bientôt tomber dans le monde de la connaissance. L’innocence va se transformer sous l’effet de cette prise de conscience.

La connaissance rompt le charme ; c’est le début d’une longue souffrance, de la honte, de la culpabilité, d’illusions, de jugements et d’un monde duel où s’affrontent les sentiments et les émotions contraires. La proximité du reptile traduit l’immanence d’une sexualité prête à se révéler.

La problématique génitale du remède Hyoscyamus

Hyoscyamus est un remède qui a une problématique génitale marquée.

Comme le décrit la figure 3 du Rosarium, cet amour naissant est endogame.

On peut penser que ces amours incestueuses auquel se livrent le Soleil et la Lune indiquent la présence du complexe d’Œdipe freudien. Toutefois, pour Jung l’instinct incestueux serait dû à la réactivation de l’archétype de l’inceste. C’est la perte d’énergie du conscient qui va permettre de faire émerger à la conscience le contenu inconscient (Psychologie du transfert. p. 32).

Hyoscyamus est hanté par la conjonction. Il a des illusions de mariage, qu’il va se marier, qu’il se prépare au mariage. Il a des pulsions érotiques qui le tourmentent, se déshabille (la nudité ne fut pas un problème lorsqu’il était bébé), s’exhibe, se touche le sexe et se masturbe.

Kent (homéopathe américain 1849-1916) :

« Son délire peut revêtir une autre forme, et cela se passe en deux temps. Il veut être nu, il veut enlever ses vêtements ; mais ce symptôme demande à être analysé. Hyoscyamus a une telle sensibilité des nerfs de la peau sur tout le corps qu’il ne peut pas supporter que les vêtements lui touchent la peau et il les enlève.

Cela se produit dans la démence et quelquefois dans le délire et il n’a pas conscience qu’il est déshabillé. On dirait qu’il n’a aucune pudeur, mais il n’a aucune notion de pudeur, il ne se rend pas compte qu’il fait quelque chose d’inhabituel et, s’il le fait, c’est par hyperesthésie de la peau. Chez une femme, épouse ou fille, cet état de lubricité se manifeste ainsi : elle expose ses parties génitales à la vue de tous ceux qui viennent dans sa chambre.

Il y a des cas où, dans ces violentes crises de lubricité, des femmes ont retroussé leurs vêtements très haut sous les bras pour faire voir leurs parties génitales au médecin qui entre dans la chambre. Discours illustré par des mots orduriers se rapportant à l’urine, aux fèces, à la bouse de vache. »
Il embrasse tout le monde.

Il n’est pas rare de retrouver chez le vieillard ou le dément sénile un tableau de cette nature.

La jalousie

Emma Jung et M.L von Franz (La légende du Graal p. 33) écrivent que

« la nostalgie de la mère peut également être comprise, dans un langage non mythologique, comme une attraction permanente et comparable à l’effet de la gravitation ».

Cette force gravitationnelle est capable d’engendrer une tendance à la saisie, à la jalousie, pouvant aboutir à des comportements paranoïaques.

La jalousie est une caractéristique centrale du remède, elle imprègne son comportement, aboutissant parfois à des explosions de violence. Cette jalousie s’exerce vis-à-vis de son entourage, son conjoint évidemment, les collègues, les amis, les voisins.

Le sujet hyoscyamus ne supportera pas la vie passée de son conjoint, il aura une suspicion maladive à la moindre occasion. Finalement il lui sera difficile de ressentir un véritable amour. L’enfant sera bouleversé par la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur.

La paranoïa

Pour Kent, hyoscyamus imagine toutes sortes de choses concernant les autres, le concernant lui-même, et il devient méfiant. La méfiance se retrouve tout au long des maladies aiguës, tout au long de la manie dans l’insanité. Il craint que sa femme ne l’empoisonne, ne lui soit infidèle. Soupçonne tout le monde. Refuse de prendre ses remèdes parce qu’ils sont empoisonnés.

Il s’imagine qu’on le poursuit, que tout le monde s’est retourné contre lui, que ses amis ne sont plus ses amis. Il tient des conversations avec des personnes imaginaires. Il parle comme s’il se parlait à lui-même, mais en réalité il imagine que quelqu’un est assis à côté de lui et qu’il lui parle. Quelquefois il parle à des morts ; il rappelle les choses du passé avec ceux qui ne sont plus. Appelle un parent mort, sœur, épouse ou mari, et entre en conversation avec lui exactement comme si la personne était présente.

Son attitude se traduit aussi par des phobies. Il a une peur maladive de l‘eau, élément utérin s’il en est. Il craint la solitude qui le plonge dans sa problématique.

Violence et possession

Il bat ceux qui l’approchent. Il est colérique, méchant, batailleur et cruel. Il donne des coups et mord. Il insulte ou agresse. Il est brutal, détruit, dit des gros mots, casse tout ce qu’il peut détruire. Il a des crises de colère noire. Mais, au milieu de ce déferlement de violence, son comportement est parfois étonnant : il peut chanter continuellement.

On pourrait le croire possédé par un démon. Jung ne prétend-il pas que le diable représente notre nature animale (Les rêves d’enfants  tome 1 p. 235).

L’homéopathe Robert Dufilho remarquait que l’enfant hyoscyamus aime marcher à quatre pattes, ce qui indique une régression vers l’animalité. Il peut se croire possédé et sous l’influence d’une puissance supérieure.

La jusquiame et la sorcellerie

C’est un remède de sorcière. La jusquiame est une plante de prédilection pour la sorcellerie. Les sorcières enfourchent un balai en bois de genêt pour voler dans les airs. On prétend qu’elle s’enduisent le corps avec le jus de la jusquiame pour ensuite s’asseoir nue dessus, certains parlent d’une application intra-vaginale.
E. Harding (Les mystères de la femme p. 156) écrit que :

« les rites sexuels des sorcières représentaient une union avec la puissance divine aussi bien qu’un rite magique destiné à assurer la fertilité. Mais comme le christianisme avait déjà triomphé de leur religion, ces symboles n’apparaissaient plus que sous leur forme négative ».

Pour M.L.von Franz, (L’individuation dans les contes de fées p. 97-98) :

« la sorcière représente la face obscure de la mère personnelle comme de la Terre-Mère.. Elle peut représenter le principe destructeur, la maladie, la mort, la désintégration, tout ce qui résiste à la conscience : l’esprit d’intrigue, l’avidité, la passivité et toutes ces pulsions négatives ».

Comme chez belladona, le chien est un thème centre du remède. Il en a peur, il en rêve, il mord, il grogne comme un chien. Il est hanté par le Cerbère des enfers. Le thème de chiens qui copulent en s’entredéchirant inaugure l’opération alchimique connue comme ouverture de la matrice (Fabricius – L’alchimie. Sand. p. 43). 

Convulsions et spasmes

Kent présente le caractère convulsif du remède :

« Hyoscyamus est plein de convulsions, de contractions, de tremblements, de tressaillements et de secousses des muscles… Secousses convulsives des membres, aboutissant à toutes sortes de mouvements anguleux et de mouvements automatiques. Mouvements choréiques ; mais aussi mouvements anguleux des bras et épluchage des couvertures ».

« Même quand il est dans un état de stupeur et n’a conscience de rien, apparemment, il continue encore à faire des mouvements passifs, à marmotter, à se parler à lui-même et, de temps en temps, à pousser un cri aigu.

Il épluche ses doigts, comme s’il avait quelque chose dans la main, alors qu’il n’a rien. Il épluche de la même façon les couvertures. Il épluche sa chemise de nuit, ou tout objet sur lequel il peut mettre la main. Ou bien il épluche dans le vide, ou fait le geste d’attraper quelque chose avec la main, comme s’il attrapait des mouches. Ce délire passif se poursuit jusqu’à ce que le malade soit dans une profonde stupeur et gise comme s’il était mort ».

Bien entendu les spasmes surviennent partout : il a le hoquet, hoquet après avoir mangé, hoquet après une opération abdominale ; fausses routes dans le nez.

Hyoscyamus a une toux sèche et nerveuse, aggravée allongé. Toux hystérique. Respiration difficile et spasmodique à cause de spasmes thoraciques. Paraît manquer de souffle ; râles dans la poitrine. La toux est très épuisante.

Délires et hallucinations

Il délire : logorrhée, délire passif, imaginations, illusions, hallucinations. Il sort de sa torpeur, parle dans un état de délire, puis retombe dans la stupeur. Ces manifestations alternent au cours de la maladie.

En dormant, le malade hyoscyamus parle, crie, ou murmure et soliloque. Puis, il y a des périodes où il se réveille, présente du délire, des illusions et des hallucinations intriqués tous ensemble. Quelquefois il imaginera que les objets sont des vers, de la vermine, des rats, des chats, des souris et qu’il les conduit comme les enfants conduisent leurs wagons miniatures, exactement comme un enfant.

Il présente une stupeur qui revient vite après avoir répondu à une question ; les objets lui paraissent très grands.

Il fait le pitre, il grimace, fait des gestes ridicules, de singe ou de clown. Il ne peut rester au lit. Il souffre de mouvements involontaires des mains, de loquacité,  cherche querelle et son visage devient rouge.

Pour conclure, le sujet Hyoscyamus niger a le plus souvent une problématique génitale. Des émanations inconscientes enfouies surgissent et le tourmentent. C’est un remède violent.

 

Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.

Adresser un message à l’auteur de cet article (Il ne doit pas concerner une consultation à caractère médical).

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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages.

Bernard Long

Médecin homéopathe, j’ai entrevu des ponts très évidents entre le monde jungien et l’homéopathie.
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