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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

 

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Arsenic : aspects philosophique et psychologique

 L’arsenic, sa nature, sa chimie

AlchimieL’arsenic est un corps solide gris d’acier, d’aspect  métallique. Il cristallise en rhomboèdres. Il est très pesant, de densité 5,75.1

L’arsenic est un élément chimique de symbole As et de numéro atomique 33. Le nom arsenicum vient du latin arsenicum, emprunté à l’iranien ancien zarnic, « couleur d’or ». Le grec arsenikos (« mâle ») n’avait sans doute aucun rapport avec son étymologie.2 Dans le tableau de Mendeleïev, l’arsenic est proche du phosphore, de l’étain, du germanium et du sélénium.

L’arsenic est un élément natif ; il est habituellement pur, mais peut contenir des traces d’antimoine. Les principaux minerais d’arsenic sont le réalgar AsS (arsenic rouge) et l’orpiment As2S3 (arsenic jaune).

Le grec άρσενιχόν signifie « mâle » qui n’avait peut-être aucun rapport avec son étymologie. Toutefois on peut penser que le terme « masculin » se réfère à la sécheresse arsenicale.3

L’arsenic était déjà connu des anciens. Ils parlent d’orpiment, de sandaraque et parfois d’arsenic.4 Les composés de l’arsenic jouèrent un rôle important dans les pratiques de l’alchimie. L’orpiment est un trisulfure d’arsenic, As2S3, le réalgar5  ou sandaraque6, est un quadrisulfure d’arsenic, As4S4. Dioscoride, Celse, Pline et Galien en ont parlé7. On savait changer les sulfures d’arsenic en acide arsénieux par les grillages précédés par l’action de divers réactifs (vinaigre, sel,etc.).8

L’arsenic fut assimilé parfois au mercure, tiré de l’arsenic sulfuré ou de la sandaraque, par opposition au mercure ordinaire, tiré du cinabre.9

Albert le Grand enseigne de préparer l’arsenic métallique en faisant fondre de l’orpiment avec du savon10  selon Roger Bacon, l’arsenic  blanc est préparé  en sublimant l’orpiment avec de la limaille de fer.11

George Brandt décrit l’arsenic blanc. Pour Lemery, l’arsenic est une matière minérale composée de soufre et d’une matière caustique. Il dit qu’il en existe de trois sortes, le blanc qui porte le nom d’arsenic, le jaune, auripigmentum et le rouge, réalgar ou sadaracha.12

Qui dit arsenic entend poison. C’est une substance connue depuis longtemps pour sa toxicité. Le duc de Valois, dans une instruction nécessaire pour empoisonner Charles VI recommande d’utiliser l’arsenic sublimat. L’arsenic sublimé est de l’acide arsénieux qu’il était aisé de se procurer chez l’apothicaire13.

Arsenicum album ou metallum album est l’anhydride arsénieux ou arsenii anhydridum.14 C’est l’acide arsénieux, oxyde blanc d’arsenic, O3As2. Il se présente sous forme de cristaux ou poudre, incolores, inodores, de saveur légèrement acide. Il est très toxique.15 Sa réputation n’est pas usurpée, l’arsenic sous forme pure ou de composé minéral est dangereux même à faible dose, surtout en cas d’exposition répétée. L’anhydride  arsénieux s’obtient par le grillage des arséniures métalliques dans un fourneau où passe un courant d’air.16

L’arsenic philosophique

Etre bicéphaleLe couple du Rosarium philosophorum, après la conjonction de la figure 5 de cet ouvrage, est représenté sur la figure 6 sous forme d’un être bicéphale mort. Il s’agit là d’une représentation funeste où le couple a perdu la vie et est enfermé dans un sarcophage. La légende de la vignette indique qu’il s’agit « d’une conception ou de putréfaction », c’est-à-dire que le jeune couple décédé se décompose en union, mais que cette mort est aussi une renaissance en puissance.

Le texte dit aussi que le roi et la reine gisent morts et que l’âme se détache avec grande douleur. Le texte ajoute : «  Je n’ai jamais vu un être vivant croître sans putréfaction », «  La corruption de l’une est la génération de l’autre », «  Nous tenons un exemple dans l’œuf : il pourrit d’abord, et alors est engendré un poussin qui, après la corruption totale, est un animal vivant », « Notre pierre est le produit du magistère lui-même et elle est assimilée, dans sa progression à la création de l’homme « .

D’abord en effet vient le coït, deuxièmement la conception, troisièmement la grossesse, quatrièmement la naissance, cinquièmement vient la nutrition ». Il s’agit à priori dans ce cas du stade de la conception qui suit le coït. Les semences se mélangent dans la pénombre utérine. Il y a enfouissement des graines dans la terre, semences qui vont mourir et donner lieu à une naissance, comme dans la cérémonie d’Osiris au mois de Khoïak.17

Le point de vue psychologique

D’un point de vue psychologique on pourrait dire que la grande douleur avec laquelle l’âme se détache du couple pourrait correspondre à la culpabilité liée à l’accouplement incestueux du frère et de la sœur. La conjonction incestueuse est coupable.18 Chaque membre du couple est encore tout imprégné de l’influence hétéro parentale. Le mélange des semences va se faire dans l’obscurité de l’utérus, de la grotte, de l’athanor maternel, à l’ombre de la lumière. Les gamètes vont fusionner, mourir chacune pour donner naissance à un être qui n’est pas encore sexué, androgyne, qui va passer par tous les stades (masculin et féminin), par les stades de l’évolution embryologique, par des mondes situés entre la mort et le potentiel de vie. L’univers de la grossesse est ambivalent.

Certes, la plupart du temps la jeune parturiente est heureuse de son état, mais des perturbations ne sont pas exclues, à type de nausées, vomissements au premier trimestre, de troubles de la libido, de rêves parfois morbides où point une angoisse morbide d’une grossesse pathologique, témoins d’une ambivalence vis-à-vis de la grossesse. La grossesse est une porte sur un autre état, un état de bardo,19 couloir orphique entre la mort et la vie, entre la vie et la mort, passage d’un monde à un autre, avec son cortège de projections inconscientes qui surgissent au cours du processus, avant, pendant et après les neuf mois de gestation.

Carte du tarot no XIIILes fantasmes de mort sont liés à l’inconnu d’un être qui grossit dans le ventre et à l’imaginaire qui en résulte, aux dangers latents qui entourent son développement, à la castration terrible du cordon ombilical qui sera sectionné, à la séparation du placenta, sorte de double intra-utérin.20 Il peut en résulter une angoisse mortelle issue de ce séjour souterrain, sorte d’enfer délicieux ou redoutable que traverse la dyade mère-enfant.

La carte XIII du tarot représente la Mort. Évidemment cette carte correspond à la mort, mais en fait il s’agit d’un principe transformateur qui renouvelle  les choses.21 Il obéit à la loi de l’impermanence et de l’inéluctable évolution de notre monde conditionné. Cet aspect transitoire de toute chose implique certes l’idée de fin mais aussi celle de renouveau, puisque nous ne pouvons rien saisir de notre univers où tout se transforme en interdépendance, tout y est éphémère et tout disparait pour réapparaitre sous une forme nouvelle. C’est le sens de la conception qui est une disparition d’un autre monde et une naissance au nôtre, tour de passe passe, mort et naissance, toujours risqué mais inéluctable.

L’œuvre au noir alchimique

Cet univers morbide est celui de « l’Œuvre au noir alchimique ». On le retrouve dans de nombreux ouvrages. Nicolas Flamel a fait peindre deux dragons au cimetière des SS. Innocents à Paris. Il dit que « leur puanteur est très grande et que les exhalaisons qui montent dans le matras sont obscures, noires, bleues ou jaunes. Ces corps tuent toute chose vivante  ».22

La noirceur veut dire que la matière ou le composé se pourrit et se dissout en poudre plus menue que les atomes du soleil. Cette dissolution est appelée mort, destruction, calcination, putréfaction, corruption etc.. Cette terre est puante et donne une odeur semblable au relent des sépulcres remplis de pourriture et d’ossements.23

L’œuvre au noir est sous le régime de Saturne. La naissance saturnienne est horrible puisque Saturne dévore ses enfants. Il y complémentarité des deux états, celui de Saturne (le plomb) où règne l’épouvante mortelle du père, et le règne arsenical où règne surtout l’épouvante maternelle,24 à l’occasion d’une mort qui vous enferme dans un cercueil souterrain, berceau ultime d’un  retour à la terre mère, si cet ultime renoncement n’est pas accepté et sublimé.

Stolcius von StolcenbergIl est certain qu’à l’occasion d’un événement morbide de la vie peut affluer une angoisse de mort telle que toutes les compensations protectrices qui ont pu être mises en œuvre s’effondrent, laissant la place à une désolation devant la disparition de ce qui fait notre identité. Peuvent s’ajouter à cet état une dépréciation et un sentiment de culpabilité intense.

Il semble que l’œuvre au noir, marquée par le signe du « crime impardonnable », puisse trouver une explication dans le fantasme de l’assassinat, du viol, de la dévoration des parents archétypaux, du crime de parricide, de cannibalisme et d’inceste.25

L’image alchimique relative  à cet accouplement coupable incestueux du frère et de la sœur est représentée à la figure 6 du Rosarium philosophorum26 déjà signalée. Il est l’allégorie de notre projection endogamique du couple avant le sacrifice de notre parent hétérosexuel, pour aller vers un couple plus libre des chaînes du cercle familial. On retrouve ce drame du couple maudit dans toute la mythologie, Osiris, Œdipe, dans la littérature avec Eloïse et Abélard etc..

La mort en couches pose le problème (outre la saisissante proximité de la naissance et de la mort qui sont chacune un passage d’un état à un autre, un bardo) d’une mère qui donne la vie mais dont la disparition enferme l’enfant dans un souvenir imaginaire de mère, d’épouse et d’amante et de sœur difficile à surmonter.

La vie est intrinsèquement liée  à la mort, avec en plus la culpabilité plus ou moins inconsciente de cette mort qu’on a pu provoquer. L’endeuillé peut se croire responsable de la mort de l’être aimé, il peut souhaiter secrètement la mort de l’autre, dans une grande ambivalence de sentiments.

L’amour et l’hostilité cohabitent souvent. Les sentiments hostiles refoulés peuvent surgir à l’occasion du deuil. Nous nous sentons alors responsables de la mort de l’être aimé, sous l’effet de nos désirs inconscients. Nous nous croyons responsables de la mort et non simples témoins d’un événement naturel dont nous sommes de simples témoins27. Combien voyons-nous de personnes en deuil qui ont agi admirablement envers leur proche, rongées par le remord de n’avoir rien fait, d’avoir mal fait ? C’est le résultat de cette ambivalence et aussi certainement de non-dit, d’affaires non réglées28  qui étaient le vecteur de cette ambivalence.

Le suicide peut constituer un soulagement pour celui qui reste et son entourage. Cette ambivalence renforce le sentiment de culpabilité. Ce qui n’était qu’un jeu, comme l’enfant qui souhaite la mort en disant « qu’il va tuer », peut brutalement se réaliser, ce qui plonge le sujet dans une profonde culpabilité.29

De même « l’enfant de remplacement » qui suit un aîné décédé avant lui, connaît-il un sentiment de culpabilité très fort lié non seulement au sentiment d’être indigne de son aîné, mais aussi au fait de ne pas avoir le droit de vivre, de prendre une place qu’il n’a pas le droit d’avoir et donc d’avoir désiré inconsciemment cette mort pour occuper une situation indue. D’ailleurs le sentiment d’indignité de l’enfant de remplacement est d’autant plus fort que le disparu est idéalisé et inimitable car son imitation signifierait la mort .30

Lire la suite de cet article :  Arsenic, la vie est une maladie mortelle

 

Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.

Articles de Bernard Long

  1. Serres L. Traité de chimie. Métalloïdes. Paris : Baudry et Cie ; 1897. p. 151.
  2. Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française. Paris ; 1998.
  3. Berthelot M. Collection des anciens alchimistes grecs. Paris : Steinheil ; 1888. p. 69.
  4. Berthelot M. Introduction à l’étude de la chimie des anciens et du Moyen âge. Paris : Georges Steinheil ; 1889. p. 281.
  5. Arsenic rouge de même composition que l’orpiment.
  6. Ne pas confondre avec la résine de ce nom.
  7. Hoefer F. Histoire de la chimie. Paris, 1866-69. tome I. p. 131.
  8. Berthelot. Introduction à l’étude de la chimie des anciens et du Moyen âge. p. 281.
  9. ibid. p. 282.
  10. ibid. I. p.387.
  11. ibid. I. p. 400.
  12. Lemery N. Cours de Chimie. Paris : Laurent Charles d’Houry ; 1742. p. 315.
  13. Hoefer F. Histoire de la chimie. Paris, 1866-69. tome I, p. 508.
  14. Pharmacotechnie et monographies des médicaments courants. Publié sous l’égide du Syndicat des Pharmacies et Laboratoires Homéopathiques.1979.
  15. Pharmacopée française. Codex medicamentarius gallicus. Codex français 1949. Paris ; 1949.  p. 75.
  16. Serres L. ibid. p. 155. voir aussi Hahnemann S. Apothekerlexikon. Leipzig ; 1793. Band 1. Nachdruck. Haug ; p. 63.
  17. Chassinat E. Le mystère d’Osiris au mois de Khoiak. Le Caire : IFAO ; 1968.
  18. Jung G. Psychologie du transfert. Paris : Albin Michel ; 1980. p. 123.
  19. བར.དོ état intermédiaire » en tibétain.
  20. Barry A. Le Corps, la mort et l’esprit du lignage. L’ancêtre et le sorcier en clinique africaine. Paris : L’Harmattan ; 2001.
  21. Wirth O. Paris : Tchou ; 1966.
  22. Le livre de Nicolas Flamel. Bibliothèque des Philosophes Chimiques. tome 1. Paris : Beya ; 2003, p. 406.
  23. 23 ibid. : 408.
  24. Dans l’œuvre au noir, la femme semble avoir un rôle prépondérant dans son rôle de vecteur de la putréfaction, elle est la femme sombre au ventre qui corrompt l’enfant.. voir Fabricius J. L¹Alchimie. Les alchimistes du Moyen Age et leur art royal. Paris : éd. Sand ; 1996. pp.  105-106.
  25. Fabricius. op. cit. p. 103.
  26. Jung C.G. Psychologie du transfert. Paris : Albin Michel ; 1980 : 121-131.
  27. Hanus M. Les deuils dans la vie. Paris : Maloine ; 1998. pp. 142-146.
  28. Longaker C. Trouver l’espoir face à la mort. Paris : La Table Ronde ; 1998. p.  259.
  29. Hanus. op. cit. p. 192.
  30. Hanus. op. cit. p. 190.



Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages.

Bernard Long

Médecin homéopathe, j’ai entrevu des ponts très évidents entre le monde jungien et l’homéopathie.
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