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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

 

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Datura Stramonium, ombre, lumière, symbiose et magie

Stramonium est caractérisé par un amour intense et une peur profonde. Ce stade symbiotique révèle une crainte de l’obscurité, de la solitude et de la séparation où les nuits sont menaçantes et peuplées de monstres. Dans ce contexte, même la lumière n’est pas toujours rassurante.

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Le datura stamonium

Le datura stramonium est une plante de la famille des solanacées. On l’appelle pomme épineuse ou herbe aux magiciens.

C’est une plante annuelle de 30 cm à 2 m de haut. Les fleurs sont généralement blanches ou jaunâtres, en forme de trompe. Le fruit est souvent couvert de longues épines. Les graines sont noires.

C’est aussi une plante hallucinogène connue des sorciers et magiciens.

Le datura contient des alcaloïdes, de la scopolamine de l’hyoscyamine et de l’atropine :

L’atropine agit sur les récepteurs cholinergiques muscariniques.

La hyoscyamine induisit une tachycardie, une mydriase, une diminution des sécrétions et un ralentissement du transit intestinal.

La scopolamine est un sédatif central.

Étymologie des solanacées

La tendance des fleurs des solanacées à fuir l’éclairement semble incarner un principe de nuit.

Le germano-celtique nah-skado fait allusion à une caractéristique nocturne. L’allemand connaît le mot Nachtschatten (ombre de nuit) pour désigner les solanacées. Le français désigne au contraire la famille de ces plantes par le mot «  solanacée  » et l’ordre qui les englobe par le mot «  solanale ». Solanacée dérive du latin solanum, «  morelle  », dérivé de sol «  soleil  ».

Que dire de cette opposition «  soleil-nuit  »  ? Elle correspond à une caractéristique profonde de la famille «  solanacée  »  ? Le soleil (et par conséquent la nuit) est en effet un élément fondamental dans la notion de solanacée.

Stramonium  : le nom vient du latin, pomme épineuse, qui vient lui-même du grec, strychnos, ombre nocturne et manikos, fou.

 

Profil et symbolique de datura stramonium

 

La terre mère fusionnelle

La peur de la solitude, du noir, la nostalgie irrésistible d’une présence symbiotique caractérisent stramonium. On y trouve au plus haut point la peur de l’abandon, des phantasmes de peur de la solitude, de l’obscurité, de l’inconnu qui se cristallisent dans des terreurs nocturnes. On observe aussi la présence d’une dépendance quasi possessive.

Stramonium est au stade fusionnel. Son amour est dévorant. L’obscurité, la solitude, la séparation sont terrorisants. Les nuits sont pleines de monstres qui surgissent de son inconscient. Mais la lumière n’est pas non plus toujours rassurante, surtout si elle éblouit, car elle pourrait révéler d’autres choses redoutables, comme un éblouissement douloureux au sortir d’une caverne.

Le remède de la fusion

La problématique de stramonium remonte à un stade où l’enfant est absolument fusionnel avec sa mère ou sa représentation. C’est le remède de la fusion. Cette « mère » n’est pas forcément la mère personnelle mais la « mère transpersonnelle ».

La mère transpersonnelle n’est pas une personne déterminée mais, sur un plan tout à fait général, celle qui donne et qui préserve la vie. On peut la comparer à l’inconscient. Elle possède un côté négatif qui apparaît dans les mythes et les contes de fées sous les traits de la marâtre ou de la sorcière, sous les traits d’une déesse cruelle dans la mythologie. La nostalgie de la mère peut être comprise comme un effet de gravitation, une attraction exercée par l’inconscient. On trouve cette idée dans l’ouvrage La légende du Graal d’Emma Jung et M.L von Franz (p.32-33).

Le monde des sorcières et des démons

Le monde extérieur à la symbiose est un chaos nocturne qui rend fou, mais la symbiose peut être aussi un enfer redoutable.

L’univers du datura est en relation avec les forces chtoniennes liées à la terre mère, au monde des sorcières. C’est un monde inconscient infernal et obscur dont les enfants veulent s’extirper, le monde de la matière première de l’œuvre alchimique. Pour s’en échapper il faut aller vers la lumière.

Stramonium, dans son désarroi, désire l’affection. Il a peur de l’obscurité, de l’eau qui pourrait l’engloutir, de la solitude (s’il est extirpé de sa symbiose), des animaux qui mordent (le monde des dragons maternels et/ou paternels et de l’inconscient qui effraye). Il imagine des démons, être possédé par le démon. De ce fait il se sent coupable, il a l’illusion d’être coupable.

Stramonium : l’abîme et la symbiose

Le sujet Stramonium semble tout juste sorti de la matrice maternelle  ; il a certes une appréhension devant le monde nouveau qu’il découvre, mais aussi la terreur de se retourner vers la faille sombre dont il sort, toute vibrante des émanations effrayantes de l’inconscient de sa vie intra-utérine passée et des souvenirs enfouis qu’elle peut receler.

Il est attiré par ce gouffre, hanté par ces mondes antérieurs capables sans doute de le happer, avec leurs monstres, leurs fantômes, leurs ombres.

L’impression d’abandon et le besoin d’amour

Il craint d’être englouti par les ténèbres, la nuit où il pourrait se perdre, par l’eau d’un univers amniotique monstrueux où il pourrait sombrer, par la solitude où il pourrait mourir d’angoisse.

Il est encore fusionnel avec le monde maternel qui l’a nourri, aimé, réchauffé, mais qui l’a aussi abandonné à la vie autonome qu’il ne peut encore assumer, blessé et aussi attiré par la lumière rassurante du soleil, par les caresses qui l’entourent, l’amour qu’il peut ressentir en présence de l’autre qui lui sourit, qui lui parle.

 Sans cette relation il mourrait de froid, de faim, de peur et d’inhumanité. Il est bien nu, dans sa présentation initiale, comme au jour de sa naissance. Dès qu’il est replongé dans l’obscurité, la solitude et la froideur du monde, il est violemment terrorisé par une force irrésistible qui l’assaille de visions effrayantes.

La relation de Stramonium avec l’eau

Stramonium a peur d’être englouti dans un abîme où il pourrait se perdre, se noyer et disparaître. Évidemment, celui qui vient d’un amnios, qui certes en a une certaine nostalgie, mais que la naissance a marqué, peut se remémorer cet élément avec inquiétude, au point qu’il a la crainte de l’eau, voire une véritable phobie, comme s’il avait la crainte d’y retourner et que la seule idée de son contact le bouleverse. Car l’eau fait revivre et peut tuer comme on peut le voir dans Les racines de la conscience de C.G. Jung (p. 223).

Il existe de nombreuses cosmogonies aquatiques car l’eau est une source de vie, elle est l’élément le l’immersion baptismale. Elle est dans l’alchimie soit un facteur important de guérison, soit un poison qui détruit. L’eau est généralement interprétée comme l’inconscient qui peut monter et submerger, c’est alors un danger. Mais elle peut aussi être une source de vie, c’est alors une image positive. Elle est une image féminine, maternelle.

L’attirance des enfants pour ce qui fait peur

Que dire aussi des grottes où se terrent les créatures antédiluviennes, les fantômes les plus abominables, les volatiles qui s’accrochent aux cheveux, les sorcières  ?

Toute cette imagerie effrayante a trouvé son domaine dans l’héritage d’une vieille tradition peut être celte, résumée maintenant à la période d’Halloween, où les enfants aiment à se sentir frissonner d’horreur, en évoquant le monde inconscient de la nuit et de l’abîme où flottent les fantômes, les sorcières, les chiens, les loups-garous, corbeaux, chouettes, où règnent des momies, des diables, des squelettes et autres créatures abjectes. C’est sans doute le même instinct qui attire les enfants vers certains contes et des adultes pour des histoires d’horreur et de crimes abominables.

Stramonium : noir et lumière

Le soleil était représenté essentiellement chez les Égyptiens par le dieu Ra, dans sa forme de plénitude au zénith.

Il voyage quotidiennement à travers le ciel dans sa barque sacrée d’est vers l’ouest. La nuit il traverse le monde souterrain, d’ouest en est. Il est menacé par un serpent dragon, Apophis qui cherche à le déstabiliser et à l’engloutir  ; c’est le combat entre la force solaire de la vie et les ténèbres de la mort.

Le retour à une mort enfermante, réductrice des enfers et du chaos, menace chaque jour Ra, de même que l’enfant redoute d’être circonscrit dans une symbiose étouffante et mortelle.

Apophis représente l’aspect dangereux de cette tendance à retourner au sein de cet univers délétère. A ce titre il est redoutable mais son caractère odieux nous tient à l’écart de toute tentation de subir son charme et de retourner à Nout, la nuit de l’Amenti. Il a le rôle des dragons, des herouka qui, à la fois sont redoutables, mais aussi nous purifient des scories de notre manque d’achèvement, de notre trop grand attachement au monde restreint de la symbiose.

Le combat entre lumière et ombre

Ainsi les solanacées sont-elles peut-être le témoin d’un combat entre lumière et ombre, entre la vie qui veut profiter de sa pulsion libératrice et l’étouffoir d’un univers monogame et infantile, celui de thanatos. Le soleil et sa lumière les attirent, elles sont sous l’influence de Ra, le dieu qui « sort du sein de sa mère » et qui « luit sur le dos de sa mère » qui est sans cesse menacé par le dragon serpent Apophis [voir sur ce sujet le livre de Barucq A. et Daumas F. Hymnes et prières de l’Egypte ancienne, 1980]. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les solanacées (belladona, stramonium et hyoscyamus) ont l’illusion de voir des serpents.

La lumière thème majeur de stramonium

La lumière est un élément fondamental, essentiel à la création. Elle est présente dans la plupart des cosmogonies. Les mythes de création racontent souvent son avènement en deux étapes ; d’abord la lumière en général apparaît puis c’est au tour du soleil de se lever [L’interprétation des contes de fées, M.L. von Franz, p.187].

La lumière est lux, phôs, le principe de la conscience [L’âne d’or, M.L. von Franz, p.44].

Cette lumière est solaire. Elle provoque (de même que d’autres solanacées) une mydriase sur la pupille qui se dilate. On dirait que stramonium avance dans l’obscurité qu’il redoute. Au fur et à mesure qu’il chemine, sa pupille devient immense, au gré de la pénombre qui augmente. Et le voilà terrorisé.

Mais s’il ressort de la grotte, il est ébloui, les objets trop brillants heurtent sa vue. L’enfant doit garder une petite lumière toute la nuit, en compagnie si possible, sinon c’est l’insomnie et le réveil brutal au milieu de la nuit et il s’agrippe alors à l’entourage.

Stramonium : solitude et compagnie

Bien sûr, la sortie brutale de l’enfant hors du milieu symbiotique de la grossesse, provoque une insécurité et un sentiment d’abandon, capables de générer une horreur de la solitude. Cette crainte de la solitude n’est d’ailleurs pas univoque car il est des moments où stramonium désire la solitude et appréhende les étrangers. Son problème fondamental est le désir de compagnie, de relations.

Le besoin de contact avec l’autre

Ce désir de présence de l’autre est accompagné par une démonstration d’affection où il aime être embrassé et embrasser. Stramonium a besoin de contact, il aura une forte libido, avec un désir de contact sexuel (il peut devenir impudique). Tout ceci lui rappelle évidemment le monde rassurant de la symbiose, du corps à corps avec la mère, avec l’être qui l’a procréé, avec sa chair, son sang, sa chaleur, son refuge et son lait.

Le jeune être va se former, évoluer grâce à l’autre ; c’est l’autre qui lui montre, l’éduque et le façonne ; il le perçoit, l’entend, l’écoute, l’imite, s’oppose et se transforme. Sans cette relation bienveillante, affectueuse, contenante, il pourrait s’étioler, dépérir et mourir, de solitude, d’abandon, de chagrin [cf. Spitz R. De la naissance à la parole].

Stramonium est un remède de terreur nocturne. C’est bien là la peur de stramonium, de ne pas sentir la présence de l’autre, sa chaleur et son regard. Il ne peut rester mutique, il doit parler, et il parle à l’excès, ce qui n’est pas forcément communiquer, car parfois il fait seulement du bruit pour avoir l’impression de ne pas être seul. La parole semble combler ce vide qui le terrorise. Il parle au point de bégayer.

Stramonium et Alice au pays des merveilles – la sorcière

Cette irruption de l‘inconscient effroyable peut être très violente, au point que le sujet perd le contrôle. Il sera alors potentiellement destructeur, dévastateur. Il mord, crie, déchire et détruit, tue, en proie à une sorte de délire de terreur et de folie. Il y a passage vers un autre monde, celui des sorciers et des forces telluriques profondes. C’est le monde de la force vitale, de l’énergie de la terre-mère, de la déesse-mère et de son caractère infernal, celui de la pulsion, de la violence et des contraintes de la vie, le monde de l’amour dévorant. Stramonium peut alors mordre, halluciner, convulser, dans un tableau brutal. Il fait des gestes des mains qu’il se tord, il fait des grimaces.

Jung écrit que la mère est souvent représentée directement comme meurtrière, voire cannibale. Le conte allemand de Hansel et Gretel en est un exemple [Métamorphoses de l’âme et ses symboles, C.G. Jung, p. 416].

Une image du corps perturbée

Stramonium, le datura, a des fleurs magnifiques, la variété commune a le feuillage vert et les fleurs blanches. C’est la pomme du diable, l’herbe aux magiciens.

On trouve chez stramonium une curieuse vision de ce qui l’entoure.

Il a l’impression que les choses sont petites et qu’il est lui-même très grand, ou bien que des parties de son corps ont augmenté de volume. Il a une image du corps très perturbée.

L’image du corps est allégorisée dans ses dessins, ses rêves, ses illusions, etc. En exprimant son image du corps, le malade nous livre la partie intime et inconsciente de son imaginaire [L’image inconsciente du corps, Françoise Dolto, p.8].

C’est un hublot qui communique avec la partie la profonde de son individu. Il peut avoir l’impression que des parties de son corps ont augmenté de volume ou sont séparées du corps. C’est un peu comme s’il était encore en gestation.

Parfois il voit les objets petits, comme s’il était encore loin du monde. On pourrait suggérer qu’au sortir de son univers symbiotique qui ne manque pas de le terrifier parfois, stramonium découvre l’autre, prend du recul, de la perspective, qu’il découvre petit à petit qu’il existe face à cet univers où il n’est pas encore totalement autonome par rapport à la symbiose dont il est issu.

En conclusion

Stramonium représente un stade symbiotique. Il s’agit d’un amour dévorant. L’obscurité, la solitude, la séparation sont terrorisantes. Les nuits sont pleines de monstres qui engloutissent. Mais la lumière n’est pas non plus toujours rassurante, surtout si elle éblouit, car la dévoration n’est pas loin.

Janvier 2024

 

Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.

Adresser un message à l’auteur de cet article (Il ne doit pas concerner une consultation à caractère médical).

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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages.

Bernard Long

Médecin homéopathe, j’ai entrevu des ponts très évidents entre le monde jungien et l’homéopathie.
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