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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

 

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Le serpent : Lachesis mutus

Du dragon venimeux creuse profond la tombe :
Que la femme l’embrasse en une forte étreinte.
Tandis que cet époux goûte les joies du lit
Elle meurt, et la terre ensemble les recouvre.
Le dragon à son tour est livré à la mort ;
Son corps se teint de sang : vrai chemin de ton œuvre.1

Les venins et lachesis mutus

On divise les venins en deux grandes classes : celle des colubridés, avec le venin de naja tripudians et celui de elaps corralinus et la classe des vipéridés, avec le venin de lachesis mutus, celui de bothrops, de crotalus, de cenchris contortrix et celui de vipera.2
Le surucucu du Brésil est un grand serpent redoutable, du genre lachesis.

C’est le lachesis mutus ou trigonocephalus ou lachesis muta, serpent d’Amérique centrale et d’Amérique du sud. Il peut atteindre trois mètres cinquante de long.  Il a des crochets de presque 3,5 centimètres, une peau brun-rougeâtre marquée le long du dos de taches en forme de losange brunes tendant vers le noir. On le nomme « maître de la brousse ». En Guyane française on le nomme « grage grands carreaux » à cause des dessins sur son corps. Il se reproduit en pondant des œufs.

La symbolique du serpent

Depuis la nuit des temps et, en tout cas depuis l’antiquité, le serpent fut l’objet d’un imaginaire protéiforme, empreint de crainte et de vénération. Le serpent évoque souvent les forces du mal et bien plus encore les forces secrètes telluriques.

En Égypte, le serpent Apophis tente d’arrêter chaque nuit la barque du soleil, se révélant ainsi ennemi de la lumière, compagnon de l’ombre. L’uraeus protège pharaon par sa puissance.

On connaît le serpent de la Genèse. Dans la Genèse le mal se manifeste sous la forme du serpent qui n’est pas un être extérieur à la création. Il est « le plus rusé de tous les animaux de la création ». Il est maudit par Dieu du fait de son caractère néfaste et bien qu’il soit une de ses créatures. Il est tentateur, séducteur, menteur. Il est certes responsable du mal, mais en partie seulement, car l’homme accepte librement la tentation.3

En Grèce, les serpents peuvent être des instruments de vengeance ou du châtiment de la part des dieux. Parfois le serpent est un animal bienfaisant qui chasse les souris, un gardien des lieux.

A Rome, le serpent est souvent garant de la fertilité.

Le serpent est phallique et engendre

Que dire de la kundalini¸de cette énergie lovée en bas de la colonne vertébrale, comme un serpent chargé de puissance libidinale ?

Autour du caducée deux serpents sont enlacés, peut-être les représentations de deux canaux d’énergie qui s’enroulent autour d’un conduit central. Les deux serpents du caducée signifient (entre autres) le soufre et le mercure.

En alchimie, le serpent ailé est le principe volatil. Le mercure, le serpent sans ailes est le principe fixe, le soufre. Le serpent est aussi présent dans une infinité de mythes et de mémoires, comme Ouroboros qui se mord la queue, comme les dragons des contes et légendes et bien d’autres encore…

Le serpent exprime des forces très primitives

Le serpent menace l’homme de sa morsure venimeuse, il est capable de l’étouffer par ses enlacements puissants. Il exprime des forces très primitives, c’est un symbole d’énergie psychique. Les dragons logent dans les nuages et dans les lacs et sont les maîtres de la foudre.  Ils déchargent les eaux ouraniennes, fécondant les champs et les femmes.

En alchimie, le serpent symbolise la nature incisive et dissolvante du Mercure, qui absorbe avidement le soufre métallique et le retient si fort que la cohésion n’en peut être ultérieurement vaincue.

Le dragon ou serpent représente l’inconscience du premier commencement, car cet animal aime, comme le disent les alchimistes, à se tenir « in cavernis et tenebrosis locis ». Cette inconscience doit être sacrifiée ; alors seulement on peut parvenir à entrer dans la tête, c’est-à-dire à posséder la connaissance consciente.

C.G. Jung, le serpent et le dragon

Comme le pensait Jung, 4 on assiste au combat universel du héros contre le dragon, dont l’issue victorieuse est chaque fois marquée par le lever du soleil. En d’autres termes, la conscience s’éclaire alors et perçoit… que le processus de transformation a lieu à l’intérieur du temple, c’est-à-dire de la tête.

Le serpent n’est pas univoque dans son évocation. Certes il peut avoir un sens phallique, symboliser l’homme, le père, le sexe masculin, ce qui est une évidence. En général le serpent a la même signification que le dragon. Le dragon, image négative de la mère, exprime la résistance contre l’inceste, ou l’angoisse de l’inceste. Dragons et serpents sont les représentants symboliques de l’angoisse en présence des conséquences qu’aurait une transgression du tabou, autrement dit une régression vers l’inceste. Serpent et dragon ont surtout le sens de gardiens et défenseurs du trésor. 5

Le lachesis mutus homéopathique

On utilise en homéopathie le venin des serpents, et non l’animal entier.
La pathogénésie, homéopathique de lachesis mutus et son introduction dans la matière médicale sont dues à Hering.

Hering séjourna au Surinam, à Paramaribo dans les années 1827-1833 pour y poursuivre des recherches zoologiques et botaniques. Il étudia de nouveaux remèdes homéopathiques et fit accidentellement la pathogénésie de lachesis en triturant le venin de ce « maître de la forêt, de la brousse » dans son laboratoire à Paramaribo. Le récit de cette pathogénésie illustre bien l’effroi que provoque l’animal, sa violence contenue et le caractère quasi sacré qui émane de lui :

« La première trituration et la première dilution dans l’alcool du venin du serpent lachesis trigonocephalus ont été effectuées par Hering le 28 juillet 1828.

Quand les premières expériences de Hering ont eu lieu, il faisait de la botanique et de la zoologie en haute Amazonie pour le compte du gouvernement allemand. Tous ceux qui l’entouraient, sauf sa femme, étaient des indigènes ; ils en contèrent tellement sur ce redoutable surukuku qu’il offrit une bonne récompense pour un spécimen vivant. Enfin on a apporta un dans une boîte en bambou, et ceux qui l’apportèrent se sauvèrent immédiatement, ainsi que tous les domestiques indigènes avec eux.

Hering assomma le serpent avec un coup sur la tête pendant qu’on ouvrait la boîte, et, tenant sa tête dans un bâton fourchu, il exprima son venin de la glande à poison sur du sucre du lait. Le simple fait de préparer les basses dilutions eut pour conséquence de précipiter Hering dans une fièvre avec un délire agité et maniaque – à la grande consternation de son épouse. Il dormit sur le matin, et se réveilla l’esprit clair. Il but un peu d’eau pour humidifier sa gorge, et la première question que cet expérimentateur intraitable fut : « Qu’ai-je fait et dit ? »… Les indigènes revinrent un à un le lendemain à pas feutrés ; ils furent étonnés de trouver Hering et son épouse vivants… ». 6

La force pulsionnelle intense de lachesis

Il semble que le thème fondamental de lachesis mutus soit celui de la saisie, de la pulsion à saisir.

Lachesis est pétri par un élan vital spontané, une force qui le pousse à exprimer ses émotions, sa sensualité, son instinct, ses pulsions.

On perçoit dans le remède lachesis une force sauvage, une libido vigoureuse, une énergie sanguine et génésique qui fuse, une tendance à dominer, à posséder, à subjuguer, à enserrer, un magnétisme naturel, une pulsion de vie de mort qui s’exprime avec puissance.

Lachesis enlace, possède, saisit. Le remède surinvestit sa conviction du moi, du je, du mien. Il veut posséder jusqu’à un intense degré de jalousie.

Le cheminement vers l’ego, vers la conscience, va exiger un combat difficile contre les pulsions instinctives. C’est ce combat qui sera la difficulté de vivre principale de lachesis, car il lui faudra composer avec ses débordements pulsionnels et animaux, résister à la propension irrésistible à être fusionnel. Il y a là une fracture au sein des forces vitales.

Le sujet principal de la souffrance du serpent est le refoulement nécessaire de cette pulsion, le fait de se couper des forces vitales, ce qui est le prix à payer pour son développement personnel… Il y a dans lachesis une forte empreinte d’émotion et de sensualité qui fusent et sont refoulées.

Le côté gauche est la sinistre. Il a été souvent assimilé au fonctionnement de l’inconscient, à la pulsion vers le retour à la symbiose. Toute cette émergence vitale va parsemer l’existence de lachesis, depuis l’enfance jusqu’à l’âge avancé.

La ménopause, ultime opportunité d’un flux énergétique vital est un moment critique pour lachesis. La force vitale provoque alors quelque chose d’apparenté à une éruption volcanique.7

On ressent dans lachesis une force pulsionnelle intense, pulsion de vie et de mort, pulsion libidinale, pulsion dominatrice et pulsion créatrice.

Le remède lachesis mutus a des pulsions de vie et de mort

On a donné au serpent surucucu le nom d’une Parque. Les trois Parques (ou Moires) avaient pour noms Clotho, Atropos et Lachesis.

Lachesis (Decima à Rome) signifie en grec « sort, destinée ». Elle est la Parque qui met le fil sur le fuseau. Clotho file le fil de la vie, Lachesis le mesure et Atropos le coupe. Ainsi, le serpent est-il associé à une idée d’un être qui décide du sort des vivants, celui qui a pouvoir de vie et de mort.

Lachesis a en lui la présence de la mort.

N’oublions pas que le remède est fabriqué à partir d’un venin, une substance extrêmement toxique qui peut provoquer rapidement la mort.

Le sujet lachesis s’inquiète pour sa santé, a peur de différentes maladies, comme d’une apoplexie, d’une maladie du cœur, d’avoir un cœur trop gros.

Il a des pensées de mort, le pressentiment de la mort, la peur de la mort.

Lachesis a l’illusion d’être mort, l’illusion qu’il va mourir et que ses funérailles sont prêtes, qu’un ami est mort, que sa mère est morte, d’être poursuivi par des ennemis. Il a peur que les médicaments soient du poison. Pour lui le sommeil est une sorte de petite mort, il est aggravé avant, en s’endormant et après le sommeil. Il a peur d’apparitions situées derrière lui.

Compensation et décompensation de lachesis

Lachesis va compenser cette angoisse mortelle par une vitalité exceptionnelle, un appétit de vie insatiable, il veut vivre !

Lachesis est la Parque qui mesure le fil de la vie. Elle en prend toute la mesure. Elle insuffle le souffle de vie, elle personnifie la destinée, son rôle est « karmique ». Elle siège essentiellement dans le sang, elle est le support de l’âme.

Les enfants lachesis ont une effervescence, une énergie qui peut épuiser l’entourage.

La compensation de lachesis va prendre un aspect de grande vitalité, de loquacité, de créativité et aussi d’effervescence circulatoire, avec un état d’éréthisme, des palpitations, des bouffées vasomotrices (particulièrement à la ménopause) et une tendance à l’effusion sanguine qui peut parfois calmer et améliorer le patient.

Décompensé, lachesis a peur de l’apoplexie, de mourir brutalement. Il va désirer la mort et peut être tourmenté par une envie irrésistible de suicide. Il peut subir une dégradation mentale, passant d’abord par une hâte, un dérèglement émotionnel, des soupçons, de la jalousie, de l’envie, de la violence, un état d’exaltation, de gesticulation, d’hypersensibilité et de congestion marquées.

Pour finir il pourra s’infecter, saigner, se nécroser, étouffer pour aboutir à un ralentissement de toutes les fonctions vitales et un état de décrépitude aboutissant à la mort.

Le remède lachesis mutis a des pulsions libidinales fortes

La connotation sexuelle de cet ovipare est connue. Le serpent est phallique mais c’est aussi la mère, le dragon qui dévore.

Il est lourd de force vitale archaïque, il est le cerveau reptilien (dont la théorie est critiquée), cerveau primitif et primaire. Il est le témoin de l’émergence du monde ancien qui surgit de l’océan primordial.

Il a une forte libido, qu’il a peine à contenir. Lachesis peut avoir une sexualité précoce, il peut présente des pulsions violentes et souffre de continence.

Le reflux vital et libidinal de lachesis se révèle en particulier lors de la ménopause.

Il provoque une symptomatologie spectaculaire avec des bouffées de chaleur violentes, des palpitations, un cortège de manifestations circulatoires et de décharges hormonales qui rendent la vie de la patiente extrêmement pénible, voire douloureuse. Le retrait de la marée hormonale et de la pulsion vitale est mal vécu. Il s’agit d’un deuil véritable, d’une frustration fondamentale. La grossesse n’est plus possible, la stérilité s’installe, le corps se transforme, la séduction s’émousse, la pulsion régresse.

Le remède lachesis mutus a des pulsions de saisie et de domination

La longueur de ce serpent en impose, sa tête triangulaire comme une flèche est redoutable, ses crochets énormes effrayent, les dessins rhomboïdaux sur son corps en font un être royal.
Lachesis est parcouru par un désir de saisie, de possession. Il est capable de mordre sa proie, de la serrer avec la puissance de ses anneaux et de ses muscles, comme s’il voulait le posséder puissamment, entièrement.

Il symbolise un mercure intense qui pénètre son partenaire, le dragon qui dévore, brûle et verse un venin intense.

La sensation de constriction est manifeste dans le remède. Elle est caractéristique. Le patient lachesis est ennemi de toute constriction sur sa personne. On ne peut le serrer nulle part, ni au cou, ni à la poitrine, ni à la gorge ou à l’abdomen. Il supporte mal le toucher, la pression, fut-elle celle de vêtements serrés ou même d’un drap.

Cette tendance à saisir et à craindre d’être saisi, en fait un être autoritaire, égoïste et jaloux. Il exerce son influence avec force, il impressionne par son magnétisme et la puissance de son aura. Il est royal, contraignant, suffocant. Il peut être clairvoyant.

Il devient querelleur, violent, se met en rage. Il a l’impression d’être sous le contrôle d’une force surhumaine, que l’on conspire contre lui, qu’il est poursuivi par des ennemis. Il peut même avoir un complexe de persécution. Il pense avoir quelqu’un derrière lui, a peur d’être empoisonné, pense que l’on conspire contre lui. Il a peur que quelqu’un soit placé derrière lui, d’être sous l’influence d’une force supraterrestre, il entend des voix… Il devient triste et perd tout courage.

Le remède lachesis mutus a envie de s’exprimer

Le surucucu est un être calme si personne ne le dérange. Il somnole et se terre, a tendance à rester caché, isolé. Mais, lorsqu’il est dérangé, délogé, il va déchainer une tempête gestuelle où il se dresse, la gorge tendue.

Lachesis est un remède de la gorge, de maux de gorge. C’est un remède de la parole, avec une loquacité étourdissante, une facilité d’expression, un tourbillon de mots qui étourdit l’auditeur.

Sa compréhension est rapide. Il présente une hyperactivité mentale avec une perceptivité de nature presque prophétique, une possibilité d’état de transe, d´extase.  Pendant qu’il écrit, à peine une idée lui vient-elle à l´esprit, que d´autres affluent aussitôt, en succession rapide.

Il peut délirer, passe rapidement d´un sujet à un autre. Il saute du coq à l’âne, ne supporte pas qu’une chemise ou un col lui touche la gorge.

Décompensé, son débit de parole ralentit. Il se met à parler lentement et les mots lui manquent.

Ainsi vit, aime et meurt lachesis… les pieds enfouis dans une vitalité pétrie d’archaïsme, le corps effervescent et la tête en constant éveil.

 

Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.

Articles de Bernard Long

Notes :

  1. Maier M. – Atalante fugitive – Paris : Dervy ; 1997. p. 354.
  2. Hodiamont G. – Venins et remèdes du règne animal en homéopathie- Bruxelles ; 1957. p. 10.
  3. H. Rousseau – Le dieu du Mal – Paris : PUF ; 1963. p 53-54.
  4. Jung C.G. – Les racines de la conscience – Paris : Buchet Chastel ; 1970. pp. 201-202
  5. Jung C.G. – Métamorphoses de l’âme et de ses symboles – Paris : Buchet Chastel ; 1967. pp. 435-436.
  6. Clarke J.H. – A dictionary of practical Materia Medica – New Dehli : Jain Publishers. reprint 1983. vol. II, p. 211
  7. Whitmont E.C. – Psyche and substance – Berkeley, North Atlantic Books, 1983. pp. 150-153.



Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages.

Bernard Long

Médecin homéopathe, j’ai entrevu des ponts très évidents entre le monde jungien et l’homéopathie.
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