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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

 

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Ignatia amara est fou d’amour

Ignatia amara est un équilibriste amoureux, en quête d’affection idéale, dans une symptomatologie souvent paradoxale. Il est contrarié, son chagrin d’amour est profond. En équilibre instable il passe ainsi d’un état spasmé à un état de relâchement cataleptique.

La substance : ignatia amara

Ignatia amara, la fève de Saint-Ignace, est la semence du strychnos ignatii bergius, de la famille des Loganiacées, qui croît aux Philippines et en Extrême Orient.

La fève est issue d’une sorte de grand arbuste. Les graines ont été apportées en Europe par les Jésuites d’Ignace de Loyola (d’où le nom). Les fleurs sont blanches, tubuleuses et exhalent une odeur agréable de jasmin. Le fruit est ovoïde ou sphérique. Il contient une pulpe charnue où sont réparties 15 à 25 graines. Les graines font 2 à 3 cm sur 1,5 à 2 cm et présentent 4 à 5 faces aplaties.

La fève est un noyau arrondi, inégal, comme noueux, très dur, d’une substance semblable à de la corne, d’une saveur de graine de citron, très amère, d’une couleur blanche verdâtre.

La fève de Saint Ignace renferme, en proportions différentes, les mêmes alcaloïdes que la noix vomique. La proportion d’alcaloïdes est de 2,5 % ; on trouve surtout de la strychnine et de la burcine ; la strychnine est en plus grande quantité que dans la noix vomique.

L’Ignatia homéopathique

On trouve la description complète de la fève de Saint Ignace dans la Materia Medica Pura de Hahnemann.

La teinture mère de la plante est obtenue en faisant macérer dans de l’alcool les semences concassées  :

«  On prend un grain de la poudre de cette semence (en tenant le mortier continuellement plongé dans de l’eau très chaude…) qu’on élève à la trentième puissance..  »

Hahnemann ajoute  :

« Ce n’est point chez les personnes ni dans les maladies où prédominent la colère, l’empressement, la violence, mais dans celles où règnent des alternatives rapides d’hilarité et d’envie de pleurer que ce médicament convient ». 

« La fève de Saint Ignace est un remède capital dans les cas d’accidents provoqués par des offenses chez des personnes qui n’ont aucune disposition à éclater en violents accès de colère ou à se venger, mais concentrent en elles le chagrin qu’elles éprouvent ».

Le nom ignatia vient du latin ignis, « feu ».  Ignitus signifie enflammé, ardent, brûlant, vif. Il y a dans le terme ignatia une idée de passion, de flamme. Mais cette ardeur est modérée par le qualificatif qui lui est accolé  : amara. Amarus signifie amer, pénible, désagréable, maussade. Il existe un antagonisme entre le caractère igné, le soufre-sulfur ardent de la fève et l’amertume qui l’accompagne. L’amertume, elle, évoque un remède de chagrin, natrum muriaticum, réputé amer par les anciens.

On pourrait donc penser que le nom de la plante évoque d’emblée une passion contrariée, maussade et amère. C’est un remède utilisé depuis des décennies par des générations d’homéopathes, ce qui confère à sa pathogénésie une fiabilité certaine, du fait d’un faisceau de présomptions considérable.

 

Profil et symbolique d’ignatia amara

 

Un remède lié à l’amour

Ignatia est réputé être un remède assez féminin, emprunt de sentimentalité et très émotionnel. C’est par excellence un remède de chagrin d’amour, amour au sens large, c’est à dire tout ce qui attire affectivement. On est en présence d’un deuil véritable, un déchirement, un ébranlement, un désarroi viscéral intense, pouvant parfois paraître dérisoire.

L’amour est déjà évoqué par Ignace de Loyola et ses « exercices spirituels » :

« Prends Seigneur et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté, tout ce que j’ai et possède. Donne-moi ton amour et ta grâce. ».

De quel amour s’agit-il ?

Platon dans le Banquet rapporte le discours d’Aristophane. Celui-ci prétend qu’il y avait jadis des êtres doubles qui furent insolents. Zeus voulut les punir en les coupant en deux. Dès lors chaque moitié recherche sa moitié correspondante depuis ce temps. Platon décrit alors l’instinct, la pulsion, ἔρως / érôs, frénésie amoureuse qui serait le souvenir de cet état fusionnel perdu.

Plus loin dans le discours, lors de l’échange entre Socrate et Diotime, on apprend que l’amour n’est pas seulement cet élan physique mais qu’il peut être amour désintéressé, inconditionnel, l’amour du beau et du bon. On aboutit à la notion d’un amour sublimé, ἀγάπη / agápê. Finalement il existe toute une gamme amoureuse, depuis l’amour charnel, l’amour filial, l’amitié jusqu’à l’amour sublime, l’amour désintéressé, au-delà de la pulsion, de l’avidité, du désir égoïste et de la possession.

La place d‘ignatia dans la diversité de l’amour

Mais où se situe ignatia dans cet échantillonnage amoureux  ? Ignatia a certainement, inconsciemment, la nostalgie d’un amour sublime, idéal, voire d’essence divine, mais il est empêtré dans une passion érotique (au sens pulsionnel), possessive et dévorante qui peut le ronger, l’annihiler, le bouleverser complètement, le retourner.

L’union du masculin et du féminin est évoquée depuis la nuit des temps, elle est le moteur de l’humanité, de sa perpétuation, depuis le simple accouplement jusqu’au sentiment sublime. Cette dualité se retrouve dans la plupart des religions, des mythes, des contes, sous forme de dieux parèdres, de couples divins, de hiérogamos, de couples royaux et autres. L’alchimie connaît le mercure et le soufre, deux principes, l’un mâle, l’autre femelle, dont il convient de faire la synthèse pour aboutir au «  rebis  ».

C.G. Jung : l‘anima et l’animus

Jung a repris cette notion de dyade. Il a distingué chez l’homme l’anima, dont le caractère au départ est en général déterminé par la mère et chez la femme l’animus, influencé par l’image du père.

Le sujet ignatia est le témoin de cette «  érotique jungienne  », jeu d’amour, d’attirance et de répulsion, jeu de fusion entre l’homme et son anima, entre la femme et son animus. L’homme doit apprendre à connaître, à intégrer son anima et la femme doit faire de même avec son animus pour éveiller les forces positives de l’inconscient sur la voie de l’individuation. Mais l’expérience de l’anima pour l’homme et celle de l’animus pour la femme dépassent le cadre de l’expérience vécue avec un partenaire. Cette expérience ultime est plus profonde et peut conduire à l’expérience du Soi, à l’individuation.

Ignatia est fou d’amour

La prédisposition du sujet ignatia à la passion le rend fou d’amour. Dans son désarroi, il ignore « agapè » (ἀγάπη), l’amour non égocentrique et il est victime d’un amour brûlant parfois déçu, d’un « éros » concupiscent qui ramène tout à lui. 

L’amertume le bouleverse au point de lui faire perdre son équilibre psychosomatique et de le mettre dans un état de désordre total. Il avait imaginé un monde quasi divin, d’amour parfait, d’équilibre et de confiance. Le voici « sens dessus dessous  » ou «  sans dessus dessous  », déséquilibré, indécis et hésitant, soupirant, le corps émaillé de sensations de creux et de nœuds. Il est amer, spasmé et passe d’un état de tension à un état de vide relâché. Il est blessé par la colère, la déception, la tristesse, il vit une injustice.

Ignatia est triste et chagrin, dans un désordre tel qu’il présente des symptômes paradoxaux, imprévisibles, changeants. Le bel équilibre de l’amour idéal est rompu, comme si une sorte d’ordre supérieur d’harmonie préexistant était aboli. Il en résulte un monde dissonant, discordant. Il est la proie de l’aléatoire, funambule à la recherche d’un équilibre instable où les éléments tendent à s’inverser et à prendre des chemins paradoxaux. C’est comme s’il était inversé, bloqué, en attente, paralysé par le chagrin qui l’habite.

 Chagrin, peur et colère

Ignatia est un remède de suite de frayeur. Il est foudroyé par une peur qui le déséquilibre brutalement. C’est un remède que l’on peut prescrire chez un sujet qui a subi une contrariété, un sujet en colère.

Ce qui caractérise plus encore ignatia c’est le chagrin. C’est un sentimental, un émotif qui s’attache de façon étroite à quelqu’un, à un animal, voire même un objet. Il est hypersensible à la moindre réflexion, tout l’affecte. Il est symbiotique, dans un « amour carcan », qui l’enferme et le plonge dans un univers idéalisé, voire fantasmé.

Son chagrin est silencieux, on le voit triste et déprimé, poussant des soupirs à fendre l’âme. Ignatia se sent faible, défaillant, un creux à l’estomac, il a une sensation de « tout s’en va ». Il a le diaphragme complètement affolé, là où l’émotion se loge.

Le chagrin d’ignatia n’est pas forcement un chagrin d’amour, ce peut être aussi le choc qui suit une injustice, ou bien la nostalgie de bien autre chose, comme la nostalgie du pays. Il a une difficulté à extérioriser les sentiments, une difficulté à pleurer. La plupart du temps la consolation ne l’améliore pas, il peut craindre la compagnie mais il peut aussi la rechercher. Il pleure facilement en racontant ses problèmes. Ignatia peut être utile à la suite de surmenage ou chez des sujets qui ont appris une mauvaise nouvelle.

Le sommeil devient impossible. Il bâille, il a les jambes qui sursautent, il rêve toute la nuit d’une chose dont l’idée ne le quitte pas en se réveillant, il se réveille en pleurant.

Il présente enfin une mélancolie taciturne. On ne peut le faire causer, ni l’égayer. Il trouve un goût fade et aqueux à tout ce qu’il mange, et n’a plus guère d’appétit. Sa voix devient faible et basse.

Paradoxe et hésitation

Toute l’économie d’ignatia est «  sans dessus dessous  », dans un désordre tel qu’il présente des symptômes imprévisibles. Le voici inconstant, passant du rire aux pleurs, d’humeur changeante.

C’est le remède des états paradoxaux  :

  • une articulation inflammatoire peut ne pas être douloureuse.
  • dans le cas d’une angine, la douleur peut être améliorée en avalant des aliments solides.
  • on peut trouver une évolution paradoxale de la maladie.
  • le sujet mange des aliments lourds avec bonheur, alors qu’il ne peut supporte une nourriture réputée légère, avec une impression de vide à l’estomac…
  • soif alors qu’on ne s’y attend pas, soif pendant le frisson, mais aucune pendant la fièvre.
  • Chez ignatia la toux appelle la toux.
  • Les hémorroïdes peuvent être améliorées en marchant.

Le sujet hésite, il est d’une indécision notoire. Il hésite pour les choses les plus simples. Il est inconstant, impatient, irrésolu, parfois querelleur. Il est variable dans son comportement. Il présente une agitation inquiète et entreprend tantôt une chose, tantôt une autre. Il a une variabilité étonnante de l’humeur : parfois il plaisante, parfois il se lamente.

Mais cette versatilité et cette instabilité peuvent tourner à la fixité, une sorte de sidération cataleptique du sujet dans une posture figée.

Le désir de plaire

Ignatia voudrait plaire à l’être qu’il aime ou croit aimer. Il veut se situer dans le désir de l’autre. Cela dit, souligne Kent, il ne s’agit pas d’une grande hystérie, mais il s’agit plutôt de troubles nerveux chez des femmes aimables, sensibles, de constitution délicate, raffinées, supérieurement éduquées, surmenées. C’est essentiellement la sphère affective qui est touchée.

La séduction rend timide ignatia, qui peut être pudique et pusillanime jusqu’à avoir un comportement enfantin.

Il est affectueux et sentimental, avec une boule à la gorge et au ventre. Il montre un accablement avec un sentiment de solitude, un sentiment d’avoir été trompé, floué.

Un chagrin bruyant et un altruisme teinté d’égoïsme

Le chagrin d’ignatia est souvent muet mais pas toujours discret, il se fait remarquer par des soupirs parfois spectaculaires.

Ignatia pourra être une oreille attentive et compatissante à la douleur d’autrui  ; en fait, il ne s’agit pas forcément d’un véritable élan du cœur, mais plutôt d’un intérêt pour son propre chagrin, mille fois revisité et ressassé. Ignatia peut aider les autres et les assister, mais n’oublie pas bien sûr ses problèmes personnels. L’occupation l’améliore beaucoup.

Peu à peu ignatia disparait du champ vital, avec une aphonie hystérique et le rêve d’avoir été enterré vivant, ce qui le situe dans le domaine noir de la nigredo alchimique, stade nécessaire à la transition d’un lien amoureux encore très symbiotique en un sentiment plus subtil et plus apte à l’individuation.

Entre le vide et le plein, le spasme et le relâchement

Ignatia est un remède alternant. Il va réagir de façon spasmodique entre la sensation de plénitude et de vide, entre le spasme et le relâchement. Il a une sensation de vide dans l’estomac et l’abdomen. Il ressent du vide et des tremblements dans la région phrénique.

C’est un des meilleurs remèdes pour les spasmes ou convulsions qui prennent source dans des causes mentales, des émotions.

Chez le sujet ignatia, on trouve souvent un mal de tête comme si un clou était enfoncé dans le côté. Les spasmes surviennent à foison  : sensation de «  boule » (à la gorge, à l’estomac, etc.), oppression, hypersensibilité, hyperesthésie, bâillements spasmodiques, douleur de la fosse iliaque droite (Vannier). Le bruit lui est insupportable.

Pendant l’accouchement et le travail, la parturiente présente des symptômes hystériques, une rigidité du col utérin ; le travail ne progresse pas. Ignatia a des tremblements dans les membres.

On peut trouver un asthme nerveux, la suite d’une émotion, d’un chagrin, avec sensation d’oppression sur la poitrine, de la tachycardie.

On observe des ballonnements, des éructations nerveuses, un hoquet. Le mal de tête est aggravé par le tabac (il ne supporte pas la fumée de tabac), amélioré par une miction abondante. Des douleurs de colite sont fréquentes.

Ignatia souffre donc de nombreux états spasmodiques mais ces états spasmodiques vont un jour se relâcher à force de tension prolongée et le sujet va présenter une sorte d’état paralytique émotionnel. Il ne peut alors ni parler, ni écrire, il se ralentit, se trompe alors en parlant, en écrivant ou en agissant.

Conclusion 

Toute la symbolique d’ignatia amara tourne autour de l’amour, dans sa diversité, et de l’affectivité. C’est un remède du chagrin, de la peur et des états paradoxaux.

 

Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.

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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages.

Bernard Long

Médecin homéopathe, j’ai entrevu des ponts très évidents entre le monde jungien et l’homéopathie.
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