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Réponse à Job : Jung et ses détracteurs

Ariane Callot examine minutieusement la correspondance de Jung durant la période cruciale de 1950-1954, marquée par la publication d’œuvres majeures ou en gestation. Son analyse offre une perspective inédite sur cette correspondance.

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PRÉAMBULE

 

Le choix du tome III de la Correspondance de Jung

Jung a entretenu, jusqu’à la fin de sa vie, une abondante correspondance. Un choix important de ses lettres est édité en cinq volumes chez Albin Michel.

Tous les tomes de la Correspondance sont passionnants car on y trouve une autre facette de Jung. L’auteur qui se veut très sérieux cède la place à une autre personnalité qui exprime ses sentiments.

Si j’ai choisi de donner mes impressions de lecture du tome III, de préférence à un autre, c’est qu’il me parait se situer à un moment important de la vie et de l’œuvre de Jung.

Les années 1950-1954 dans la vie et l’œuvre

Jung a 75 ans en 1950. Sa manière d’envisager la vie et son comportement évoluent depuis sa grave maladie et ses visions de 1944.

Dans une lettre de janvier 1952 il écrit : « Il ne m’était pas possible de m’adapter au lecteur normal. C’est lui qui doit s’adapter à moi. Il m’a fallu payer ce tribut à cette contingence sans pitié, celle de l’âge. » Il y a du sentiment dans cette phrase et c’est surtout dans la Correspondance que l’on retrouve cette facilité à s’épancher.

Il parle de sa santé, de ses peines, de ses joies, de ses colères, de ses incompréhensions et de bien d’autres sujets personnels.

Cependant, même si Jung se sent affaibli, pendant ces années des œuvres majeures paraissent ou sont en germination : Aïon en 1951, Étude sur la Synchronicité (avec Pauli) en 1952, Réponse à Job en 1952, le recueil Les Racines de la conscience 1954. Mysterium conjonctionis est en gestation. Cela représente un travail considérable et une grande force intellectuelle.

Réponse à Job m’apparait comme étant le lien entre l’œuvre de cette époque et la Correspondance. C’est une période où Jung considère comme un devoir de dire ce qu’il pense et ce qu’il ressent au sujet de Dieu. L’ouvrage provoque de violentes oppositions et nombreuses sont les lettres de Jung consacrées à ces controverses.

L’attitude ambigüe de Jung au sujet de sa correspondance

Jusqu’à la fin de sa vie, Jung n’a jamais cessé de passer un temps considérable à échanger épistolairement avec des correspondants de diverses professions et nationalités.

Quand on lit les lettres de ce tome III il apparait qu’à cette période de son existence Jung ressent envers cette abondante correspondance un sentiment d’attraction/répulsion.

Il écrit des lettres de dix pages qui sont de véritables articles ou des petits mots qui sont loin d’être insignifiants car ils reflètent des côtés plus intimes de sa vie. Il s’exprime sur ses travaux et donne des définitions brèves et très claires de ses concepts. Il correspond aussi bien avec un grand scientifique qu’avec une dame inconnue qui lui demande un conseil.

Le revers de cette abondance épistolaire est qu’il se plaint sans cesse de l’énorme travail que cela lui demande et qu’il accumule des retards de mois, semaines ou même années. Il trouve toujours de bonnes excuses, la première étant sa secrétaire suivie de près par la maladie, des vacances, un voyage et même une lettre égarée pendant plus d’un an sous une pile de documents !

Jung écrit même qu’il subit « la malédiction des lettres à écrire »(p.82) ce qui ne l’empêche pas de continuer à faire de sa correspondance un lieu privilégié de son expression.

C’est la vie …

Dans la Correspondance on trouve des détails sur la vie et les pensées d’un Jung différent du Jung auteur qui se veut d’une rigueur quasi-scientifique.

Il se permet de montrer son goût sur la beauté et l’intelligence féminine. C’est ainsi que dans une lettre du 21 Septembre 1951 à son ami le Père Victor White il écrit :

« J’ai vu Mrs. X., un vrai régal pour les yeux, et un peu plus encore ! Nous avons eu une conversation intéressante ; je suis bien obligé de le dire, elle est remarquable ! Si jamais femme a été anima, c’est bien elle, il n’y a pas à discuter ! »

Il parle aussi de sa difficulté à suivre les conseils de son médecin d’arrêter le tabac. Le 13 mars 1953, après un arrêt de cinq jours, il exprime sa mauvaise humeur et s’interroge « que puis-je bien attendre des dieux sans fumée sacrificielle ?  »

 

UNE LECTURE DE LA CORRESPONDANCE DE JUNG

La distillation

Pratiquement chaque lettre de ce tome III de la Correspondance apporte quelque chose au sujet de la vie, de la pensée ou de l’œuvre de Jung. Si on a ce que l’on appelle familièrement le nez dessus, on finit par s’y noyer.

J’ai une méthode qui consiste à lire, à prendre beaucoup trop de notes car tout paraît important. Ensuite, je laisse le temps passer, l’oubli s’installer. C’est ainsi, après une lente distillation, qu’est apparu clairement ce qui me semble être l’essentiel des préoccupations et de la pensée de Jung à cette période de sa vie : la décision de publier Réponse à Job et les conséquences de cette publication.

Le projet de Réponse à Job de Jung

On peut dire que le projet de Réponse à Job était déjà en germe au moment où Jung, âgé d’une douzaine d’années, laisse advenir à sa conscience une terrible vision qu’il raconte dans Ma vie:

« Dieu est assis sur son trône d’or très haut au-dessus du monde et de dessous du trône un énorme excrément tombe sur le toit neuf et chatoyant de l’église ; il le met en pièces et fait éclater les murs. » (p. 78)

Ce sentiment de la possibilité que Dieu ne soit pas que bonté, Jung le porte en lui mais il ne se décide à l’exprimer publiquement qu’au soir de sa vie. Abandonnant la rigueur du théoricien, il se décide à écrire, d’une manière plus affective, ce qu’il pense vraiment.

Jung se prédit le bûcher !

Il ressort du tome III de la correspondance que, tout en sachant que cela va avoir des répercussions négatives dans le milieu des théologiens, Jung a décidé de passer outre.

Cela commence, avant Réponse à Job, avec la publication annoncée de Aïon dont il parle dans une lettre de mars 1951 (p.54) :

« Dans le courant de l’été va paraître, sous le titre Aïon, mon nouveau travail, consacré à la symbolique chrétienne (et, particulièrement, de la figure du Christ). Avec cela je suis bon pour l’autodafé. »

Et Jung ne va pas s’arrêter là car il est mû par l’impérieuse nécessité d’exprimer ce qu’il « ressent » sur Dieu depuis son plus jeune âge.

Les lectures du manuscrit de Réponse à Job

Avant la publication de Réponse à Job, Jung fait lire le manuscrit à plusieurs personnes dont Aniéla Jaffé, une de ses collaboratrices, qu’il félicite d’avoir lu le texte jusqu’au bout ce qui, dit-il, n’est pas le cas de la plupart des gens.

Il est tellement certain que son texte va être mal reçu qu’à un pasteur, docteur en théologie, qui veut lui dédier son livre, il recommande la prudence :

« En effet, dans un délai assez bref, paraîtra une sorte d’ouvrage polémique de ma plume, intitulé Réponse à Job. (…) J’ai fait lire le livre à trois amis théologiens, et ils en ont été choqués. »(p.91)

Jung veut bien subir les conséquences du fait de ne pas penser de manière orthodoxe mais il ne veut pas que d’autres en soient affectés.

Pourquoi un tel scandale ?

Jung s’est toujours efforcé d’avoir de bonnes relations avec les théologiens. Que ce soit avant, pendant, ou après la publication de Réponse à Job, il va tenter de s’expliquer mais sans vraiment convaincre. Il n’était pas connu pour avoir un caractère facile et cela finit par l’énerver ce qui provoqua de sa part ironie, sarcasmes et parfois, chose plus surprenante, un certain auto-apitoiement. 

Et pourtant, il ne pouvait pas être surpris, et il ne le fut certainement pas, de la tempête qu’allait déclencher ce livre. Il y est quand même dit que les contraires sont contenus en Dieu, que l’on ne peut passer sous silence sa face obscure et, chose encore plus sulfureuse, que l’élément féminin manque à la Totalité divine !

Jung se projette en Job, victime de l’injustice divine, et il est toujours prêt à répondre à ceux qui l’attaquent.

Les correspondants de Jung

Jung correspondait avec de nombreuses personnes anonymes ou célèbres mais, dans ce tome trois, on trouve une majorité de religieux, protestants ou catholiques, professeurs de théologie et aussi des médecins.

Le père Victor White

Il y a dans cette partie de la correspondance des lettres célèbres comme celles, nombreuses, adressées au Père Victor White.

C’était un Dominicain anglais avec lequel Jung a entretenu pendant des années des relations que l’on pourrait qualifier d’intense mais celles-ci se détériorent sérieusement à cause de Réponse à Job, évidemment ! Dans une remarquable lettre de dix pages, d’avril 1954 (p. 233), Jung inlassablement, essaie de dialoguer et de s’expliquer mais la faille s’élargit entre les deux hommes.

Les théologiens

Pendant ces années, qui précèdent ou suivent la publication de Réponse à Job, Jung va polémiquer avec les théologiens, en particulier les protestants, au sujet de ce que j’appellerai l’idée de Dieu et de la religion.

Même si il adresse quelques aimables lettres à des catholiques, qui lui semblent plus réceptifs à ses idées, le ton est souvent ironique et même agressif. Il se sent vraiment incompris et n’est pas loin de penser que certains de ses correspondants sont d’une profonde nullité intellectuelle. Le sarcasme n’est jamais loin…

Erich Neumann

Il existe, pourtant, des relations épistolaires harmonieuses. Le meilleur exemple est celle entretenue avec Erich Neumann. Il y a plusieurs lettres de Jung à Neumann dans cette partie de la correspondance et il existe un épais volume de leurs échanges. Mais les circonstances étaient très différentes.

Si Jung écrit, entre autres, à Neumann qu’il est le seul à le comprendre cela n’a rien d’étonnant. En effet, Neumann est un de ses élèves, je dirai même disciple, et un fervent promoteur de la Psychologie analytique. Mais cela n’empêche pas qu’il y ait entre eux un grand nombre de questions-réponses au sujet de Réponse à Job.

Mademoiselle le pasteur Dorothée Hoch

Dans ce tome III de la Correspondance, les lettres où Jung s’explique au sujet de Réponse à Job sont toutes passionnantes car il n’arrête pas d’exprimer sa pensée avec force. Il va du remerciement à l’explication, de la controverse à l’ironie cinglante. Il s’adresse le plus souvent à des intellectuels et chaque lettre est « pensée » en fonction du destinataire. Certaines sont tellement brillantes qu’elles contiennent de remarquables résumés de la pensée de Jung.

Et pourtant, après le processus de distillation dont j’ai parlé, demeurent surtout en ma mémoire quatre lettres, adressées en réponse aux envois qu’il avait reçus, à une femme, Dorothée Hoch, que Jung appelait Mademoiselle le pasteur.

 

 

QUATRE LETTRES DE JUNG

Si j’ai choisi de m’intéresser aux lettres adressées par Jung à cette femme pasteur c’est qu’elles me semblent particulièrement représentatives d’un Jung qui se laisse aller à ses sentiments et à ses humeurs. Tout y est : le Jung qui ne supporte pas les intrusions dans sa vie privée, le Jung qui s’explique, le Jung donneur de leçons, le Jung accablant de sarcasmes celui dont il pense qu’il ne le comprend pas. Il y a même un Jung capable de ressentir qu’il a dépassé les bornes.

La pasteure Dorothée Hoch

La pasteure Dorothée Hoch avait fait parvenir à Jung un compte rendu critique de Réponse à Job qu’elle avait publié dans une revue de théologie. Dans la lettre jointe elle avait exprimé un certain nombre d’idées d’ordre psychologique et théologique.

Dorothée Hoch parlait de la possibilité que Réponse à Job puisse s’expliquer « par la psychologie personnelle de l’auteur « qui, en tant que fils de pasteur, souffrirait d’un complexe paternel engendrant un ressentiment envers un « Dieu Père ». (cf.p.125)

Sur le plan théologique, elle lui reprochait, entre autres, de minimiser l’importance du diable.

C’est à partir de ce premier envoi que va s’instaurer un échange qui m’interroge.

Les réponses de Jung aux lettres de la pasteure

On peut se demander pourquoi Jung, qui était submergé par sa correspondance, a répondu quatre fois aux cinq lettres de Dorothée Hoch.

Il est possible qu’il ait pensé qu’une femme serait plus sensible à ses arguments. Il serait facile, alors que dès la première lettre il se montre relativement désagréable et donneur de leçons, de l’accuser d’antiféminisme mais je ne pense pas que ce soit le cas. En effet, Jung s’est souvent entouré et a collaboré avec des femmes brillantes. D’ailleurs, il a plus fréquemment « rompu » intellectuellement avec des hommes qu’avec des femmes.

Je ne vois qu’une réponse : Jung espère convaincre la pasteure à ses idées mais il se laisse quelque peu déborder par ses sentiments et la passion d’avoir raison, ce qui le conduit à une déception presque intime. Cette femme qui connait la théologie va le comprendre mais elle se révèle en être incapable … et cela l’enrage !

Je ne peux ici que donner un aperçu, je dirais même un « ressenti » au sujet de ces quatre lettres.

 

Première lettre, mai 1952

Des reproches pour commencer

Dans la première réponse à la pasteure, on ne s’étonnera pas du fait que les premières lignes de la lettre de Jung soient pour s’insurger contre le fait qu’elle le soupçonne d’avoir un « complexe paternel ». Il continue par un reproche plus général :

« Il est toujours un peu fâcheux, dans tout débat avec un adversaire, d’attaquer celui-ci sans preuves sur des questions personnelles, avant même d’avoir suffisamment considéré la teneur de son argumentation et de l’avoir comprise. »

Je lis les mots adversaire, attaque, questions personnelles, ne pas être compris. Le ton est donné et je présume que cette Mademoiselle le pasteur va être le réceptacle des humeurs de Jung.

Ensuite, il répond, avec beaucoup de vivacité, aux différents arguments de la pasteure et termine ainsi, ironiquement, sa liste de réponses :

« Vous ne pensez tout de même pas, je suppose, que je critiquerais le Dieu métaphysique ? Ou bien vivons-nous encore au Moyen Âge, où l’on croyait que l’on pouvait faire du tort au bon Dieu ? J’aime à croire que les protestants ne commettent pas l’erreur de s’imaginer qu’ils sont les seuls chrétiens au monde ! » (p.123)

Les piques sont fréquentes du genre : « Si vous relisez consciencieusement ce que je dis au sujet de l’individuation … » ce qui sous-entend que, comme bien d’autres, elle ne sait pas le lire.

De vives attaques contre les théologiens pour enfoncer le clou

Il s’attaque aussi aux théologiens et à ceux qui font des prêches incompréhensibles et inintéressants. Ils détournent ainsi les chrétiens d’une religion qui est pour lui « une affaire de toute première importance, hélas mieux comprise par les psychiatres que par les théologiens. »

Il termine en annonçant qu’il envoie à la pasteure une réponse qu’il a faite à ce que l’on pourrait appeler son ennemi préféré, Martin Buber, un théologien avec lequel il entretient une vive controverse sur des sujet théologiques :

« Je joins à la présente ma Réponse à Martin Buber, qui s’imagine aussi pouvoir parler de Dieu sans dire duquel et sans prouver que celui dont il parle est bien le seul vrai. Il faut en finir avec de pareilles extravagances. »

Un espoir d’être compris

Dans cette première lettre, on peut dire que Jung s’exprime avec une certaine rudesse mais on n’écrit pas, ce qu’il appelle lui-même une « lettre bien trop longue », sans avoir le but sincère d’éclairer la destinataire. C’est donc que, au fond de lui même, il croit que c’est possible.

 

Seconde lettre, juillet 1952

La pasteure ne s’était pas découragée et elle avait envoyé à Jung le texte de l’un de ses sermons. Il lui répond, relativement rapidement, par une nouvelle longue lettre, ce qui montre qu’il voulait continuer cette relation épistolaire.

Jung essaie d’être aimable

Même si c’est quelque peu maladroit, Jung remercie au début la pasteure d’avoir « manifesté cette fois-ci plus de sympathie et de compréhension » envers lui. À la fin d’une réponse où le sermon de la pasteure n’est pas épargné, il lui écrit cependant :

« Ces quelques réflexions me sont venues alors que je lisais le texte de votre prêche, que vous avez eu la gentillesse de mettre à ma disposition. La phrase où vous parlez de « se donner totalement » m’a tout particulièrement plu. » (p.137)

Ce n’est pas rien d’être une inspiratrice de Jung !

De nombreux thèmes sont abordés dans cette lettre. Par exemple : La Bible à été rédigée par des humains, l’Évangile ne s’adresse pas assez à des personnes peu cultivées, le Christ contraint l’homme à rentrer dans un conflit impossible. Cependant, ce qui m’a le plus interpellée est la question très originale de Jung au sujet de la croix du Christ.

Qui porte la croix du Christ ?

Pour Jung, nous cherchons à imiter le Christ mais nous fuyons notre propre réalité et oublions de travailler à notre tache la plus importante : la réunion des contraires.

Au lieu de porter nous-mêmes notre croix nous en chargeons le Christ alors que « La croix du Christ a été portée par lui même et était sa propre croix. » Cela explique que la théologie rejette la psychologie car, grâce à cette dernière, chaque individu pourrait découvrir qu’il doit assumer le fardeau de sa croix.

Jung aborde aussi dans cette partie de la lettre le problème de l’individuation d’une manière très originale :

« On pourrait découvrir aussi que la vie du Christ est tout entière un modèle d’individuation et qu’elle est de ce fait inimitable : tout ce que l’on peut faire, c’est vivre sa propre vie dans le même esprit totalement et avec toutes les conséquences que cela implique. » (p.135)

 

Troisième lettre, septembre 1952

Cette lettre, déjà plus courte, se veut une explication de Jung sur sa véhémence et sur les motivations de sa correspondance avec la pasteure. Il avoue presque qu’elle lui sert de prétexte pour exprimer ses sentiments sur des sujets qui le blessent. 

Il lui dit, pour commencer, qu’il s’est « laissé aller » dans sa dernière lettre mais qu’il ne fallait pas qu’elle se sente visée.

Après avoir ensuite surtout évoqué la religion et la manière de l’enseigner, il termine sa lettre en demandant à la pasteure de ne pas prendre ses remarques pour elle.

C’est dans le P.S. que Jung s’explique :

« Je vous suis redevable d’une explication quant aux raisons pour lesquelles je vous bombarde ainsi de longues lettres déplaisantes (…) les théologiens se méprennent d’une manière si grotesque sur tout ce que je dis, que je fais mon possible pour faire état de ma critique là où je puis m’attendre à trouver de la bonne volonté (…). » (cf.p.147)

Cette correspondance semble donc destinée à durer et pourtant le fil va se casser pour des raisons difficiles à cerner car, pour démêler l’intrigue, nous n’avons que les lettres de Jung.

 

Une lettre de rupture de Jung, 30 avril 1953 

La lettre manquante de Jung

On voit ici que le temps de réponse est long mais cela s’explique par le fait qu’il n’avait pas jugé utile de répondre à une lettre du cinq décembre 1952 de la pasteure. Cette lettre avait dû vivement le contrarier mais, ne comprenant pas que son silence était une manière de cesser d’échanger, elle lui écrit à nouveau. Mal lui en prend car la réponse est cinglante.

Les mots très durs de la dernière lettre

Pour rendre l’impression que procure la lecture de cette ultime missive à la pasteure Dorothée Hoch je vous propose une espèce de « patchwork » exécuté à partir des mots de Jung lui-même.

« Je n’ai pas eu le courage de vous répondre encore une fois car vous n’êtes de toute évidence pas en mesure de me suivre dans ma démarche. Vous avez une attitude désinvolte envers la psychologie et vous ne vous rendez même pas compte que vous ne la comprenez pas. (…)

On ne peut pas dire que vous ayez encouragé ma tentative de jeter des ponts. Je ne veux pas continuer à vous ennuyer avec mes paradoxes. (…)

J’espérais simplement parvenir à vous transmettre une vision moins déformée de ma psychologie mais je suis apparemment un mauvais défenseur de mes propres causes et c’est pourquoi je prends congé de vous en vous présentant toutes mes excuses. » (cf. p. 175 à 177).

Le reste de la lettre consiste surtout en une ultime diatribe envers les théologiens qui, dit-il, l’ont chassé de l’Église.

La pasteure ne répondit plus et on la comprend. Pour ce qui est de Jung il avait déjà tourné la page sur un moment où sa carapace s’était un peu fissurée.

 

Cette correspondance illustre parfaitement un défi constant de Jung : concilier sa vision personnelle de la psychologie avec les attentes et les critiques du monde extérieur, tout en restant fidèle à son impératif d’éthique et de sincérité intellectuelle.

Ariane Callot – Mai 2024

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Articles Ariane Callot

Articles co-écrits avec Jean-Pierre Robert :

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