Après une lecture de textes alchimiques particulièrement délirants, on peut se demander si certains alchimistes n’étaient pas sous l’influence de drogues hallucinogènes ?
Au Moyen Âge, les « sorcières » connaissaient bien toute la famille des solanacées telles que la belle Belladone ou la mystérieuse Mandragore, et d’autres encore, qui étaient utilisées comme euphorisants, philtres d’amour, donneurs de visions.
Les alchimistes, qui étaient les meilleurs chimistes de leur époque moyenâgeuse, devaient se livrer à moult expériences avec de nombreuses substances dont certaines hallucinogènes. Rien ne les empêchait de faire des essais personnels et cela expliquerait que leurs textes ressemblent parfois à des récits poétiques écrits sous LSD ou mescaline.
Ils devaient aussi être drogués, ou plutôt empoisonnés, à leur insu, par les produits qu’ils employaient, en particulier le mercure, et subir une intoxication chimique. Les textes parlent de mauvaises odeurs, de vapeurs néfastes, et de l’Œuvre comparée à un « poison mortel ». Il est aussi écrit que la fumée leur faisait des blessures au visage, perdre leurs dents, souffrir de nombreuses infirmités.
Sur le plan psychique, il n’est pas étonnant que ces chercheurs, qui passaient leurs jours et leurs nuits à observer les transformations de la matière dans leur vase (vaisseau, cornue), aient subi l’influence de vapeurs nocives et de substances hallucinogènes. Pas de surprise, donc, sur le fait que leur inconscient ait trouvé matière à projection. Ces projections se traduisaient par des représentations symboliques d’une infinie richesse mais que les mots de la vie ordinaire avaient du mal à décrire.
Les contenus de l’imaginaire de l’alchimiste du Moyen Âge devaient souvent être effrayants pour ce chercheur généralement très pieux. Il voyait à travers le verre de sa cornue des scènes, parfois très perturbantes, projetées par un inconscient incontrôlable. C’est pour cela qu’il priait longuement dans son oratoire et que les plus « sages » craignant la folie abandonnèrent progressivement la chimie et la spagyrie pour se consacrer à la « Philosophie de la Nature » et à une alchimie plus spirituelle.
Il est aussi certain que certains chercheurs ont consciemment consommé des substances destinées à modifier leur comportement. On dit que Paracelse consommait, sous forme de « médecine », une substance dont il ne pouvait se passer…
Quelle était l’opinion de Jung au sujet des drogues hallucinatoires et de la drogue en général ?
En ce qui concerne les anciens alchimistes il pensait que, pendant leur pratique, des phénomènes hallucinatoires pouvaient survenir.
Dans les années cinquante il s’est interrogé au sujet des effets de drogues hallucinogènes comme le LSD ou la mescaline. Il en parle dans une lettre du 10 avril 1954 adressé à son ami le Père Victor White. Il ne semble pas avoir une bonne opinion des effets de ces substances sur la relation entre l’inconscient et le conscient.
Pour ce qui est des drogues en général, en particulier celles dites « dures », on en parlait moins à son époque et il ne semble pas avoir donné, tout au moins publiquement, son opinion à ce sujet.
Ariane Callot, mars 2023
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