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Sexualité Homme-Femme - L'éternel malentendu

Pierre Willequet, analyste jungien, a pris pour thème la sexualité, il démontre dans cet essai la complexité des mécanismes qui lui sont sous-jacents ainsi que les effets négatifs et positifs qui lui sont liés.

Toutes les citations ci-dessous sont extraites de l'ouvrage.

Autant de sexualités que d'individus

"Il n'existe pas « une » sexualité. Il n'y a pas, non plus, de parcours obligé et linéaire menant à une forme quelconque de « normalité » sexuelle (comme le préconise un prêt-à-penser naïf issu de traditions morales et comportementales totalement obsolètes), mais bien « autant » de sexualités qu'il y a d'individus, chacun allant inventer, subir, fabriquer une manière propre de vivre la chose, de l'apprécier ou d'en être épouvanté, de l'approcher ou de la fuir, d'en être brûlé ou de s'en trouver pudiquement effleuré."

Éros circule mieux entre deux pôles célébrant leurs différences

"[...] les modalités du vivre masculin sont hétérogènes à celles du féminin, même si les unes et les autres peuvent cohabiter en chacun des deux genres. Ensuite, parce qu'à mon sens Éros circule mieux, et de manière plus stimulante, entre deux pôles distincts assumant, voire célébrant leurs différences. Dans cette perspective, il est important qu'un homme s'apprécie sexuellement en tant qu'homme et qu'une femme puisse faire pareil en tant que telle. C'est probablement en « s'aimant » homme et femme que les partenaires vont initier une réelle circulation dialectique, un dialogue ludique, chargé de tension érotique et roborative.

Plus ces pôles sont intégrés, assumés, plus la force qui les relie est conséquente. Il s'agit là d'une pure logique énergétique et physique : la puissance d'une chute d'eau dépend de la déclivité existant entre son point le plus haut et l'endroit de son impact avec la terre ; plus cette distance est grande, plus la matière s'y précipitera avec force. La différence de hauteur entre les deux offre à la chute sa raison d'être et son fascinant attrait. Il en va certainement de même entre les sexes : plus une femme incarne et légitime les spécificités de son sexe, plus il y a de chances qu'elle entretienne une relation féconde avec un homme ayant, de son côté, un rapport semblable avec sa propre virilité."

L'éternel malentendu entre les sexes

"C'est bien là que se nichent des constituants majeurs de ce qui est appelé ici l'éternel malentendu :

  • malentendu associé à l'ignorance des sexes l'un par rapport à l'autre, de ses attentes, des conditions de sa satisfaction ;
  • malentendu lié aux interminables sermons médiatiques incessamment rabâchés à ce propos ;
  • malentendu dû au fait que la trop fameuse éducation sexuelle n'en est pas une, mais un piètre bavardage pseudo-scientifique, physiologisant à son propos ;
  • malentendu lié au fait qu'il reste difficile, à l'heure actuelle, d'aborder la chose de façon à la fois délicate et pédagogique, tant les tabous afférents restent vivaces et les adolescents réfractaires à ce type de messages... et ainsi de suite.

En fait, en matière de sexualité, c'est encore et toujours l'ignorance qui prévaut. Les hommes ne savent pas - et pour cause, ils n'en sont pas ! - ce que vivent ou désirent les femmes. Et inversement. Parce :

  • qu'on ne parle pas de ces choses-là de manière sincère ;
  • que ceux qui devraient le faire n'ont souvent pas l'expérience ou le recul suffisant pour les aborder paisiblement ou sans verser dans la grivoiserie ;
  • que la pornographie s'est substituée aux quelques rares tentatives initiatiques qui prévalaient antérieurement ;
  • qu'il est, et restera sans doute toujours, compliqué d'aborder une thématique aussi intime, aussi incandescente, sans tomber dans la platitude de poncifs éculés, dans un moralisme anachronique ou dans la trivialité d'un discours mutilant, par sa lourdeur, la charge poétique qu'il pourrait révéler."

"Pour toutes sortes de motifs, plus ou moins imaginaires mais dont on se garde bien d'évaluer l'intelligence, les partenaires doivent aimer le sexe. C'est une nécessité. Et celui qui ne s'y soumet pas se voit immédiatement rejeté aux confins du monde, comme un pestiféré sur lequel on s'apitoie en détournant le regard. La rationalité justifie d'ailleurs abondamment cet élan supposé, dans la mesure où la Science, porte-parole attitrée de notre bienveillant ami, affirme que cela est « bon » pour la santé, pour la longévité, pour les artères et le système cardio-vasculaire, pour l'harmonie du couple, et ainsi de suite."

A propos des malentendus qui peuvent "advenir entre hommes et femmes ; il concerne le rapport, très singulier, que les premiers entretiennent avec leur effarante vie pulsionnelle et la façon celle-ci est « comprise » par les secondes ; c'est-à-dire interprétée. L'une et l'autre de ces réalités sont, en tout état de cause, radicalement hétérogènes, pour ne pas dire divergentes. Et cette disparité ne va, ni ne peut être supprimée. Un accord « parfait » entre les sexes est, de ce point de vue, une vision de l'esprit ; un idéal aliénant ; un miroir aux alouettes dans lequel l'un et l'autre se perdent au moment où ils croient se trouver.

C'est en cela que, pour revenir au geste féminin de l'ouverture, du oui, on se trouve face à un réel acte de foi définitif, inespéré. Sublime. Et même si celui-ci rejoint l'ontologie du « deuxième sexe », il n'en reste pas moins, lorsqu'il advient authentiquement, une forme de miracle, un acte époustouflant, d'une insondable générosité."

Ce qui est vrai pour moi est vrai... pour moi

"À ne pas oublier, parce que la tendance actuelle est au nivellement généralisé, à une espèce de refus maniaque de cette disparité qui, pourtant, rend l'aventure relationnelle bien plus palpitante, bien plus stimulante que si elle n'existait pas. « Ce qui est vrai pour moi doit aussi l'être pour toi » pourrait être l'adage auquel souvent l'on souscrit. Eh bien non. « Ce qui est vrai pour moi est vrai... pour moi. Ce qui me semble bon, me semble bon. Tu n'as pas à t'y conformer. Tu n'as pas à y adhérer. »"

Quelques traits de notre société

"[...] l'incroyable développement du rapport aux écrans, quelle que soit leur taille ou leur fonction, façonne une société de plus en plus déterminée par le voir, le dévoilé et l'exhibé. Et l'on peut sans conteste avancer une fois encore qu'une réelle addiction à ces comportements est en train de se propager dans une société où il semble qu'exister n'est plus concevable autrement qu'en étant vu. Ou admiré."

"Nombre de nos contemporains, véritablement obsédés par leur propre défaillance - souvent dissimulée sous un masque de puissance virile -, s'érigent eux-mêmes en tant que phallus et n'existent plus qu'à travers lui. Obligés de générer constamment, aux yeux des autres, un émerveillement ou une fascination permanente, ils s'enferrent dans la nécessité d'être en toutes situations rassurés par les effets de leur monstration et des échos médiatiques qui en adviennent. L'œil de l'autre est devenu leur unique horizon, l'objet de leur satisfaction. Et, donc, leur prison."

"[La sexualité] s'effectue, cela va sans dire, « dans l'amour », respecte « les besoins et les rythmes de chacun », se révèle assurément « épanouissante », se conclut obligatoirement par « un formidable orgasme simultané » et se voit, en fin de compte, auréolée d'une sorte de nuage rose au milieu duquel brillent les regards éblouis - et, si possible, quelques larmes -des amants comblés.

Il est clair que, pour le couple harassé revenant d'une journée de travail et confronté à des gamins brailleurs, pour ceux qui sont minés par les soucis financiers ou le harcèlement professionnel, pour celui dont la santé est chancelante ou le corps épuisé, de telles représentations constituent un reproche permanent face auquel leurs pauvres ébats, leurs tentatives avortées ou maladroites ne valent pas grand-chose, pour ne pas dire rien."

Des forces étrangères animent les humains

"Jamais on n'insistera assez sur cet aspect des choses et sur son impact, littéralement définitif, sur le destin humain, qu'il soit individuel ou collectif : nous sommes mus par des forces qui ne s'intéressent pas, qui sont étrangères à, et n'ont pas pour vocation de tenir compte de nos présupposés moraux ou de nos intentions bienveillantes.

Toute l'aventure éthique de l'humanité (« Tu ne commettras pas d'adultère [...]. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ») s'est construite comme un « rempart » autour d'un tel constat et de l'effroi causé par son irréductibilité et sa ténacité. Pourtant, ce constat semble à l'heure actuelle sinon refoulé, du moins largement sous-évalué en ses principales incidences. Et l'on en vient à évoquer la sexualité comme s'il s'agissait d'une activité anodine, voire mondaine, incessamment ramenée à une sorte de hobby social traversé par des « modes » ou des « tendances », en faisant abstraction permanente des dimensions abyssales qu'elle recèle et les gouffres d'angoisses ou de violences qui lui sont inhérents. Ce qui est tout de même assez ahurissant.
Et parfaitement idiot."

La sexualité peut se montrer terrifiante : "Il est absurde de vouloir les nier [les forces] en ramenant la sexualité à un aimable badinage ou à un simple jeu entre les êtres. Celle-ci n'est pas mondaine. Elle peut se montrer terrifiante. Infernale. Innommable. Et c'est au sujet seul, c'est à l'individu de prendre en compte, d'accepter, d'envisager à quel point il est chargé de ce « quelque chose » capable de le submerger, de l'emporter à n'importe quel moment. Et c'est au rôle des adultes, des éducateurs, des parents, du corps médical, d'indiquer aux adolescents - tant aux garçons qu'aux filles, mais pas pour les mêmes raisons -, à quel point leur vie sexuelle peut-être à la fois extatique et ravageuse. Splendide et dévastatrice. Révélatrice et tueuse. L'immense ambivalence du sexe n'a pas à être occultée, mais bien au contraire dévoilée, mise à nu, décrite, reconnue. L'on n'a pas à s'offusquer de cette contradiction."

Extait page 17

A propos de la sexualité masculine

" La pression que peut exercer l'univers interne est parfois telle, qu'elle peut avoir l'effet d'une authentique folie. Folie dévorante, extravagante, urgente, à laquelle il faut obtempérer pour aller de l'avant, pour s'en libérer, pour se vider d'elle. Le plus fort et le plus efficacement possible. Et l'on sent bien, dans ces lignes, combien peut être pénible, voire insupportable, l'exigence d'une telle intimation sur l'autre sexe, dans la mesure où il n'est pas forcément habité de puissances identiques ou d'intensités aussi exorbitantes."

"Certains de mes patients sont passés par là. Ils ont abusé, parfois de façon effarante, une sœur, une cousine, une petite voisine. Enfermés dans les rets d'un système familial insensé, souvent battus, ignorés, bafoués par des parents dysfonctionnels, leur rage s'est retournée contre le prochain, le plus doux, le plus docile. Détruits par un « plus fort », ils se sont attaqués à un « plus faible »... sans jamais réellement comprendre ce par quoi ils étaient mus, ou ce qui les poussait à commettre de tels actes."

L'esprit du temps

"Le sujet se dépossède de toute singularité pour devenir l'émetteur d'énoncés ou opinions ne provenant pas de lui, mais qui sont néanmoins perçus comme tels : l'adoption des protovérités véhiculées par l'esprit du temps se substituant ainsi à toute forme, même embryonnaire, de subjectivité et, donc, d'originalité.

Inutile de préciser qu'un tel envahissement équivaut à l'avènement d'une authentique peste, au cœur même de la rencontre. Car le projet inconscient sous-tendant la manœuvre est bien l'instauration d'une mainmise définitive sur l'autre, dont l'énoncé majeur pourrait être : « Etant donné que je sais à ta place, et mieux que toi, ce qui est juste et bon pour toi, tu n'as plus qu'à obtempérer à mes avis sur tout. »

Si, en réponse à ce putsch, le conjoint se réfère lui-même à son propre ancrage dans l'esprit du temps, à cette pseudorationalité lancinante, s'enclenche alors un interminable combat, d'une splendide stérilité, dont l'unique but - inavoué - est la néantisation de toute expression d'altérité de la part du conjoint : « Cet autre que tu es, que tu manifestes, par lequel tu m'apparais habité, n'a pas lieu d'être. Il faut qu'il se ramène à moi, dans toutes ses manifestations. » Toute la problématique de la rivalité se trouve ainsi exaltée dans la confrontation interindividuelle. À cet égard, Jung observait, de façon percutante : « Là où l'amour règne, il n'y a pas de volonté de puissance et là où domine la puissance, manque l'amour. L'un est l'ombre de l'autre. (C.G. Jung, L'Ame et la vie, page 135) »"

L'emprise sur autrui

"Celui qui refuse de céder son emprise sur autrui fait en sorte de la perdre, irrémédiablement et à son corps défendant."

[En conséquence] "la relation se brise, irrémédiablement, par le refus de l'indéniable prise de risque consistant à accepter une circulation équitable, une parité, un échange ouvert et fécondant avec le partenaire. Ainsi, s'agripper, ou se situer de façon péremptoire dans la position du savoir (et donc, du pouvoir), tout autant que son maintien obstiné, impliquent logiquement l'empêchement de tout développement et/ou de tout approfondissement relationnel ultérieur. Nombreux sont les couples qui tireraient grand bénéfice d'une réflexion à ce propos."

"Tel est pris qui croyait prendre : en imaginant domestiquer autrui, on le perd. En voulant maintenir dans la relation une position haute, directrice, on la corrompt."

"Ainsi palpite, tapi dans les tréfonds de l'âme, une réalité ou plutôt une nécessité impossible, insensée, ayant précisément à voir avec l'accaparement, la possession, la consommation. On trouve évidemment de pareilles orientations dans la sexualité lorsque l'autre est « consommé » dans l'acte. 
On le mange ; on le bouffe.
On le « prend », précisément."

"[...] l'incapacité à tolérer autrui dans ses aspects les plus singuliers, ce refus souvent maladif de son génie propre, cette impossibilité foncière d'en admettre la sauvagerie, la créativité dans toute leur démesure se retrouve, bien sûr, dans un nombre incalculable de situations maritales ou de couples. On y rencontre cette sourde attente, et tous les processus de manipulation imaginables en vue de distiller en l'autre les conditions de son acceptabilité, et ce, dans un seul et unique but : qu'il change. C'est-à-dire, qu'il devienne ce que je veux qu'il soit. Qu'il se transforme (qu'il entreprenne une analyse, qu'il maigrisse, qu'il fasse du sport, qu'il communique mieux...) pour correspondre enfin au personnage rêvé dont je suis porteur. Qu'il se dépossède de toute aspiration vers l'au-delà (un autre amour, une passion, une orientation particulière) afin qu'il reste définitivement proche de moi. Ou, mieux encore, à moi. En moi."

Rendre l'autre fou

"Je puis rendre l'autre fou en :

  • lui faisant comprendre que s'il évolue comme il sent devoir le faire, il me blesse ou me détruit ;
  • lui répétant constamment que ce qu'il est ne vaut rien, n'est fondé sur rien, et que ses aspirations les plus fécondes ne le mèneront à rien ;
  • lui assénant, à tous propos, que j'ai affirmé une chose qu'en réalité je n'ai pas dite ;
  • lui martelant que tout ce qu'il aime est absurde et laid ;
  • créant autour de lui, en lui, la certitude qu'il fait constamment fausse route, qu'il se trompe quant à sa perception de la réalité et que ses options existentielles sont absurdes et erronées ;
  • lui faisant croire qu'il n'y a qu'une manière juste de faire et de penser : la mienne ;
  • lui indiquant qu'il est libre d'accomplir tout ce qu'il souhaite, et lui faire comprendre que s'il le fait, cela m'est intolérable.

La liste n'est pas exhaustive. Mais le mécanisme reste toujours identique. Il s'agit d'inoculer le virus idoine et de le laisser œuvrer selon sa logique contaminatrice, gangrénant peu à peu tout ce qu'il investit, comme le fait un cancer des organes en lesquels il se répand. [...] En distillant son venin, sous les formes précitées de l'illégitimité, de la culpabilité, d'injonctions paradoxales ou des forces de persuasion, il est possible de créer un être dépossédé de lui-même, étant donné qu'il est possédé par soi. Je le rends tel que je veux en lui ôtant ses facultés de discernement, d'évaluation, d'estime propres. Je le rends maboul. C'est-à-dire aliéné : hors de lui."

Une guerre de tranchées

"On en vient ainsi, tant d'un point de vue sexuel qu'affectif, à un repli sur soi, qu'il n'est pas faux de comparer à une guerre de tranchées dans laquelle chacun campe sur ses positions. Plus rien n'est dévoilé de ses faiblesses ou du plus enfoui de ses désirs, de sa vie fantasmatique ou de ses secrets, ce qui peut parfaitement se transformer en un état permanent, sorte de stagnation partagée, là où la synthèse créatrice était escomptée après avoir été entraperçue et âprement souhaitée. C'est le marécage stagnant où confluent les eaux des fleuves de la haine, des lamentations, de l'oubli et du chagrin.

Une telle alliance n'ayant pu se développer, on en arrive aux conséquences typiques, inhérentes à ce marasme programmé : coagulation des attitudes, des attentes, absence de circulation et de renouvellement, instauration de pratiques plus ou moins satisfaisantes permettant aux partenaires de « souffrir le moins possible » dans un contexte dont on s'accommode, sans pour autant jamais exulter ni éprouver le moindre émoi."

Ratages et incompréhensions

"Ces ratages, ces incompréhensions et faux-pas jalonnent nécessairement l'expérience charnelle du couple des années durant. Ils peuvent devenir l'arrière-fond relationnel dans l'ombre duquel se construit, indiscutablement, l'avènement du ressentiment, de l'amertume et de la frustration. Ils sont le signe, non pas d'une prétendue « mauvaise volonté », mais plutôt d'une crispation psychique et physique devant l'inconnu qui bouleverse. Car, ne l'oublions pas, la sexualité reste et demeure un univers non maîtrisé et non maîtrisable. C'est-à-dire la manifestation d'un mystère, l'émergence d'un continent inconnu ou, pour le moins, méconnu.

Continent qui ne peut d'ailleurs pas, et ne sera sans doute jamais totalement circonscrit, apaisé, intégré. Or, le mystère se rejoue à chaque fois, et non seulement dans chaque nouvelle rencontre, mais également dans chaque occasion d'une mise en contact des individus dans ce qu'ils ont de plus intime et de plus enfoui : leur être sexué, leur ontologie dynamique, pulsionnelle et désirante, en un mot comme en mille : leur corps.

Et pourtant, le désir peut se manifester avec une telle force, une telle intensité, qu'il semblerait que sa satisfaction ne pose aucune difficulté. On sait qu'il n'en est rien. C'est là le paradoxe. D'un côté, la puissance désirante et son avènement tonitruant, avec trompettes et roulements de tambours ; de l'autre, les atermoiements, maladresses et autres fiascos semblant contredire, de manière trop flagrante et parfois vicieuse, maligne, l'apparente majesté de l'élan désirant."

L'envie de pénis chez la femme, une erreur conceptuelle

"Ainsi, ramener toute forme de désir sexuel à ses manifestations phallique constitue, d'un point de vue phénoménologique, une erreur conceptuelle, ayant (notamment) sa source dans l'obsession freudienne d'un masculin exacerbé, partout revendiqué, ainsi que dans l'aveuglement très symptomatique du fondateur de la psychanalyse à l'égard du féminin et de ses soubassements."

"L'envie du pénis, supposément nichée en chaque femme, constitue ainsi un a priori idéologique, dogmatique et indémontrable. Il a été fondé en vue de maintenir une théorie vacillante à propos de la castration, forgée, je le rappelle, sur l'apparent « manque » d'organe sexuel chez la fillette et les avatars fantasmatiques générés par ce constat chez les enfants des deux sexes."

S'ouvrir à l'autre

"Une des spécificités amoureuses - et non pas uniquement désireuses -serait précisément l'aptitude à pouvoir se réjouir et s'exalter, sans réserve, de l'altérité incarnée par mon prochain. Et non seulement de l'accueillir, mais de se sentir traversé par l'éveil qu'elle suscite en tant qu'expression de ce qui, à soi, se dérobe."

"[...] s'ouvrir à l'autre m'offre la possibilité d'un élargissement en direction de mon fonds propre. Et, donc, de me transformer. Un tel contexte fait perdre à la « castration » telle qu'envisagée ici (réduire l'autre à soi, l'y contraindre), sa principale raison d'être, dans la mesure où la circulation s'instaurant entre les partenaires leur permet de s'évaser au point de pouvoir accueillir et assumer la globalité de ce qu'est l'autre, y compris ses aspects les plus biscornus ou les plus déroutants [...]. Il n'est plus nécessaire de l'envisager conditionnellement : ma psyché, mon être étant suffisamment robustes pour en supporter toutes les tonalités, la plus intrigante démesure. Il s'agit là d'un mouvement contra-paranoïde, où la confiance n'a même plus à être invoquée. Elle est, tout simplement."

L'inestimable beauté du féminin

"Car le féminin, par le truchement de son sexe, c'est avoir pour destin de laisser entrer l'autre en soi. C'est d'être muni d'un passage/porte, accès vers le dedans, vers le creux de l'être deviné au-delà du seuil auquel il est invité à accéder.

Laisser autrui s'introduire en soi.

Lui permettre de venir au-dedans de soi.

Lui permettre aussi d'en sortir, après y avoir (été) conçu.

Là se tient l'ineffable vertige. L'abîme. L'inestimable beauté du féminin. Son don. Mais également son risque et sa plus ultime vulnérabilité. Car, bien entendu, si l'autre s'aventure en mon intériorité - comme peut le faire l'étranger en ma maison, cet étranger que j'accueille parce que j'ai confiance en sa non-destructivité, parce que j'ai le désir qu'il m'y rejoigne -, il peut y causer aussi tous les ravages possibles."

La sexualité comme gnose

"De ce point de vue, la sexualité s'apparente bien à une gnose [connaissance], au sens le plus fort du terme : un (potentiel) espace de connaissance global, au sein duquel tout ce qui nous fait et nous rend humain est livré au jeu infini des dévoilements, de l'abandon des défenses et des cuirasses protectrices, du flux et du torrent amoureux se déversant de l'un à l'autre dans l'intarissable circulation du donné et du recevoir, du retenir et du lâcher, de la mise à nu et du voilé. Une telle exploration, une telle aventure ne peuvent avoir de fin.

Elles se dressent instamment à l'horizon de nos existences comme de réelles promesses, révélatrices de ce que recèlent nos fondements ontologiques, notre être. Elles sont une terre inconnue, ou méconnue, dans laquelle s'engager implique la reconnaissance d'une réelle et tangible transcendance : le tout-autre n'étant plus placé dans un au-delà inassignable, mais bien dans un présent ouvert sur le feu régénérateur dont chacun est porteur et vigilant gardien."

Editions Dervy éditions, collection La quête du soi - 14 x 22 x 2,9 cm - 376 pages

Pierre Willequet

Pierre WillequetDocteur en Psychologie et diplômé de l’Institut C.G. Jung de Zurich, auteur de nombreux ouvrages, il exerce en France près de Genève. Il participe au programme de formation des analystes proposé par L’antenne romande de l’Institut Jung de Zurich.

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