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Entretien avec Pierre Willequet

Le rêve, les relations mères et filles, la trahison, la sexualité, la spiritualité… autant de sujets qui sont abordés dans une perspective jungienne par Pierre Willequet.

Ses ouvrages témoignent d’une grande activité et d’une connaissance en profondeur de la psychologie analytique. Nous lui avons posé quelques questions.

Pierre Willequet, en quelques mots, quel est votre parcours ?

J’ai eu la chance énorme de rencontrer un proche disciple de Jung quand j’avais 19 ans. C’est avec lui que j’ai entamé ma première analyse et cette expérience a été un éblouissement.

Bien que je me sois engagé, à l’époque, dans une voie artistique, il était clair qu’il me fallait bifurquer en direction de la Psyché et que, tôt ou tard, je deviendrais analyste.

J’ai ensuite rencontré K. G. Dürckheim, dont je suis devenu très proche, ainsi que l’enseignement de Me Masamichi Noro, que j’ai suivi durant des décennies, jusqu’à sa mort il y a cinq ans…

Parallèlement à cela, j’ai fait un doctorat en Psychologie à l’Université de Genève, dans le laboratoire de rêve du Prof. Montangero, ancien collaborateur de Piaget, et j’ai passé mon diplôme à l’Institut C. G. Jung de Zürich. Actuellement, je travaille essentiellement dans mon cabinet de Haute-Savoie et j’écris.

Vous avez mené de 1993 à 1998 une démarche expérimentale dans le laboratoire de rêves de l’Université de Genève, qu’avez-vous remarqué ?

Plusieurs choses. Tout d’abord la difficulté des milieux universitaires à envisager le matériel psychique autrement que de manière fonctionnelle ou statistique. C’est très frappant.

Du côté des rêveurs, car ceux-ci venaient dormir au labo chaque semaine, et nous les réveillions au moment du sommeil paradoxal pour recueillir leurs récits de rêve, c’est l’incroyable intelligence de ce matériel : polyphonique, polysémique et toujours sous-tendu par une sorte de perspicacité qui ne se dément jamais.

En interrogeant ces personnes – car le protocole que nous avions mis au point impliquait, le matin au réveil, un entretien de plusieurs heures – on se rendait compte combien le matériel onirique est capable de piocher dans de multiples couches de l’être et d’en proposer une synthèse à la fois percutante et énigmatique. Raison pour laquelle le travail sur les productions oniriques demeure, en situation analytique, essentiel.

Sous le titre Mères et filles, histoire d’une emprise vous abordez la complexité de leurs relations ?

Ce qui me frappe incessamment lorsque je reçois les patientes, c’est l’énorme complexité-intrication qui les relie, pour ne pas dire qui les enferme à leur génitrice.

C’est ce phénomène qui m’a intrigué et dont j’ai essayé de déterminer certaines composantes structurelles, notamment le fait que, dans les quatre situations possibles au sein des relations parents/enfants (père-fils, père-fille, mère-fils, mère-fille), c’est la seule dans laquelle le pénis est absent. Cette absence véhicule d’énormes conséquences, qui sont analysées dans l’ouvrage.

Dans votre livre Sexualité Homme-Femme vous dites que « la différence des sexes en est bien une » ?

Oui, car l’époque a pour fâcheuse tendance à gommer toute forme de différence, pour des raisons bizarres inhérentes à la bien-pensance actuelle.

Or, comme le constate Jung à chaque instant, c’est grâce au fait que les opposés le sont effectivement qu’une tension peut s’instaurer entre eux.

C’est de là que découle l’érotique de la relation, et non pas de la fusion/confusion qui, fréquemment, sous-tend la vie de couple.

C’est cette tension, cet écart qui m’intéresse, même s’ils peuvent générer de gigantesques malentendus, sans même parler des ruptures, qui peuvent s’avérer fracassantes dans leur intensité ou leur charge émotionnelle…

Trahir, être trahi est le titre de l’un de vos ouvrages. Comment est vécu la trahison et quels sont ses effets ?

Telle que je la comprends et la décris dans ce livre, la trahison consiste en la rupture d’un pacte, implicite ou explicite, sans consultation du partenaire impliqué. C’est en cela qu’elle peut s’avérer délétère.

Prenons l’exemple de la relation parent/enfant. L’un et l’autre savent – sans pour autant se le dire à tout bout de champ – que les conditions qui sous-tendent leurs liens sont, pour une bonne part, dépendants du fait que les parents doivent accompagner leur progéniture jusqu’à ce que celle-ci puisse se passer d’eux, économiquement et affectivement. C’est cela, le pacte.

Si, en cours de route, l’une des deux parties s’en extrait brutalement, il y a trahison et les effets qui en découlent peuvent être catastrophiques.

Plusieurs de vos ouvrages ont pour thème la spiritualité. Une grande part de la population est plongée dans un profond désarroi dites-vous ?

Oui. Un désarroi grandissant et fréquemment accompagné d’une bonne dose d’angoisse.

Les grands systèmes symboliques prévalents, qui avaient pour fonction de cohésionner le vivre-ensemble autour d’axes plus ou moins clairement définis, faits d’injonctions, de valeurs ou de croyances, tout cela a volé en éclats.

Il ne reste, aujourd’hui, que des « morceaux » ou des « bouts » de ces axes, flottant erratiquement dans les conceptions individuelles relatives au sens de la vie.

Ce que propose Jung est, de ce point de vue, tout à fait sensé : une psychologie inclusive, qui prenne en compte tous les paramètres existentiels et essentiels de
l’être humain et, donc, sa dimension spirituelle.

Il avait raison et se retrouve bien seul, aujourd’hui, dans une civilisation totalement rétive (en surface du moins) à toute forme d’adhésion à un quelconque corpus, religieux ou, même, idéologique.

L’œuvre de Jung est immense, comment est-elle accueillie aujourd’hui ?

Avec nos collègues de Suisse romande, nous avons mis sur pied une double formation jungienne. L’une s’adresse aux psychiatres, l’autre aux psychothérapeutes ou aux professions apparentées. Nous croulons sous les demandes qui proviennent, pour la plupart, de populations jeunes.

En cabinet, je remarque que la lecture « jungienne » au sens large des contenus psychiques résonne, de façon très forte, en la plupart des patients.

Il y a donc là la preuve, tout à fait tangible, de l’inénarrable pertinence des intuitions jungiennes, qui éclairent et « guérissent » souvent les personnes en souffrance.

Pour l’anecdote, une des difficultés avec les personnes qui consultent depuis un certain temps, c’est de leur faire admettre qu’il est peut être temps de mettre un terme aux séances, car, vraisemblablement, ils ont acquis tout ce qui est nécessaire pour poursuivre le travail seul…

Nous vivons en plein confinement (mars à mai 2020), pouvez-vous faire écho à ce moment si particulier ?

Il s’agit d’un retour sur soi forcé. Obligatoire. C’est, évidemment, tout à fait salutaire.

La course en avant dans laquelle la société s’était elle-même projetée se retrouvait clairement en état de surchauffe collective, faite de stress, de frustration et d’égotisme mal interprété.

Le coup d’arrêt qui nous est imposé se révèle, de ce point de vue, tout à fait intéressant. C’est d’ailleurs comme ça – et pas autrement – que la quasi totalité des personnes qui travaillent avec moi le comprennent et le vivent.

Propos recueillis par Jean-Pierre Robert, mai 2020.

Pierre Willequet

Docteur en Psychologie et diplômé de l’Institut C.G. Jung de Zurich, auteur de nombreux ouvrages, il exerce en France près de Genève. Il participe au programme de formation des analystes proposé par L’antenne romande de l’Institut Jung de Zurich.

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