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Hommage à Jean-Claude Jugon (1951-2021)

Jean-Claude Jugon est décédé le 20 mai 2021. Contributeur au sein de l’équipe EFJ, nous lui rendons hommage. Comme le confirment ces quelques lignes, son travail de recherche est important. C’est aussi l’occasion de publier un écrit qui devait l’être au moment de son décès.

Nous avons eu la chance de le rencontrer en 2017, au moment de la sortie de son livre L’âme japonaise. Depuis cette date, les échanges se sont multipliés et nous avons publié plusieurs de ses articles et documents.

Quel a été le parcours de Jean-Claude Jugon ?

Fils unique, Jean-Claude Jugon est né à Bordeaux le 5 mai 1950. Issu d’un milieu très modeste et de la génération hippie post soixante-huitarde, il effectue de nombreux voyages avant de suivre une formation d’infirmier psychiatrique. 

C’est en région parisienne, où il exerce son métier, qu’il rencontre un psychiatre jungien qui deviendra son mentor. A son tour, il se lance dans de nombreuses recherches qu’il applique dans le domaine de la transculturalité.

En parallèle de son activité professionnelle, il reprend ses études et s’oriente vers la psychologie. Il étudie également le japonais à l’Inalco, durant 3 ans.

Il part vivre au Japon, dans un premier temps dans le cadre de sa thèse et se passionne pour ce pays. Au total il y passe 26 ans et  y vit en totale intégration, bénéficiant d’une double culture : française et japonaise.

Ayant un statut de chercheur, il a enseigné à l’université de Shizuoka (français et psychologie) durant une vingtaine d’années. Les six dernières années, il a enseigné le français à l’université de Tsukuba (près de Tokyo) au Japon. Il multiplie ses échanges et il  rencontre, dans les années 2000, l’analyste jungien Kawaï Hayao qui, nous disait-il, « reste l’icône junguienne par excellence dans l’Archipel ».

Il revient définitivement en France en 2016 et s’y installe avec son épouse Shihori Aoki et leur fils.

Docteur en psychologie

Il obtient son doctorat auprès de l’Université René Descartes Paris V, Sciences Humaines à la Sorbonne, en 1998. Sa thèse, composée de 3 volumes distincts et de près de 1000 pages, s’intitule :

Ethnopsychopathologie au Japon : une approche transculturelle psychoclinique – contribution à une meilleure compréhension de l’âme japonaise.

Plusieurs sujets sont abordés, notamment la relation entre la mère et les enfants japonais, le comportement des japonais en société, la phobie japonaise, etc. Le tout s’appuie très largement sur la psychologie de C.G. Jung.

Un chercheur jungien à part entière

Il ne craignait pas d’aborder des sujets difficiles et de les approfondir. Comme il l’a précisé dans nos échanges, il ne se situait pas dans la ligne « du recyclage d’idées, voire du rabâchage de notions maintenant bien connues ou de débats qui datent trop dans le temps ». Et il ajoutait :

« qu’il faut aussi avancer sur le plan de la théorie, être innovant, surtout en direction des nouvelles découvertes scientifiques qui, à mon sens, confirment pour beaucoup les postulats de base proposés par Jung.

Il faut encore se défier de l’effet new-age pour qui « tout étant dans tout » fait un amalgame de notions hétéroclites mal digérées, ne cherchant au fond que le bien-être (corporel) pour ne pas se remettre en question et, surtout, « ne plus jamais souffrir ! ! ! », corollaire indispensable au bien-être. Ce n’était pas vraiment le message de Jung.

Jung était un explorateur de la psyché globale qu’il concevait comme le reflet de l’Âme du Monde (qui comprend autant la Matière que l’Esprit). Ses intuitions nous ont livré tellement de pistes à défricher et d’énigmes à déchiffrer qu’il y a encore beaucoup matière à réflexion. »

C’est dans cet esprit qu’il a mené tous ses travaux de recherche.

De multiples axes de recherche

Comme en témoignent ses écrits, Jean-Claude Jugon n’hésitait pas à explorer en profondeur ce qu’il nommait « les abysses de la psyché ». Ses connaissances étaient très étendues au sujet des œuvres de Jung, Freud, Lacan, Janet et bien d’autres et aussi dans des domaines liés à la psychologie, la psychanalyse, la psychiatrie, la linguistique.

Tout comme l’œuvre de Jung, la lecture des textes de Jean-Claude Jugon est l’ennemi de l’empressement. Comme c’est le cas pour beaucoup de chercheurs, sa pensée est sous l’influence de la fonction intuition, d’où une lecture qui nécessite une grande attention. Pour lire Jean-Claude Jugon, il ne faut pas hésiter à parcourir en diagonale certains paragraphes, quitte à y revenir ultérieurement.  Ses textes sont parsemés de phrases essentielles.

Le Japon et l’Asie en général

Ses études autour du peuple japonais servent de fil conducteur à ses premières recherches, qu’il ne cessera de poursuivre. Il observe les Japonais, vit parmi eux, comme eux. 

Il disait du Japon et de l’Asie :

« L’Occident ne peut concevoir le Japon qu’à l’aune de son propre manque qui le fait désirer ardemment rejoindre l’autre pôle de l’être qui se dérobe à lui. L’Asie entière détient une vérité mais non l’entière Vérité. Elle est sur l’autre rive de notre âme.

Pourtant, le fleuve de la vie charrie le même limon sur son lit. Mettre en regard les deux profils d’un même visage pour qu’ils se dévisagent, voilà l’immense mérite de la psychologie jungienne. »
L’âme japonaise, p 6

En s’appuyant sur Les types psychologiques de Jung il démontre l’utilité et la validité  de la typologie jungienne appliquée au Japon. A ses yeux cette approche peut s’appliquer à n’importe quel peuple et elle est de nature à faciliter la compréhension entre eux. Il précise :

« Entre sens et structure, Jung pose incidemment les jalons d’une transculturalité que pour ma part j’ai nommée anthropoculturalité pour signifier que les divergences culturelles constatées ici ou là se fondent en réalité sur un fonds anthropologique commun (l’inconscient collectif) »

L’importance des types psychologiques

Dans la ligne des recherches initiées par Emile Rogé, il n’a cessé d’explorer les types psychologiques de Jung. Ils étaient d’après lui le plus souvent mal interprétés, y compris par un grand nombre de jungiens, et peu utilisés, ce qu’il déplorait.

Ses recherches, qu’il a poussées très loin, étaient toujours étayées par de nombreux exemples. Il relève les lacunes du MBTI, qui, comme c’est le cas pour la plupart des tests psychologiques, servent à une finalité bien précise et ne rendent pas compte des nombreux changements qui ont lieu tout au long de nos vies.

La structure de la psyché

Les notions de temps, d’espace, et au final de sens, sont explorées sous différents angles.

Il évoque « les fondements abyssaux de la psyché collective » :

« Il y a donc du côté de la Nature une structure universelle inconsciente de la psyché humaine, extrêmement contraignante à tous égards car on ne peut pas y échapper puisqu’elle nous fonde. »

Le psychoïde (lien matière / psyché) est au centre de ses préoccupations :

« Il est très vraisemblable qu’il existe au sein de ce psychoïde des éléments originaires proto-archétypiques, modélisateurs à la fois du physique et du psychique, tels les couleurs fondamentales, les formes géométriques primordiales, les sons basiques ou encore les premiers nombres naturels. »

A propos de la relation entre l’inconscient et le langage, et à la suite d’Emile Rogé, il affirme que :

« […] l’inconscient n’est pas structuré comme un langage mais que le langage est structuré comme l’inconscient, car il lui est antérieur. Il faut renverser l’aphorisme de Lacan. »

Le monde d’aujourd’hui

L’œuvre de Jean-Claude Jugon est ancrée dans le monde d’aujourd’hui. Il constate que :

« L’extraversion ambiante des sociétés modernes a donc fini par gommer puis dégommer la vie fantasmatique du sujet en désenchantant son monde intérieur. Il y eut certes des victoires scientifiques importantes gagnées sur l’obscurantisme (cf. la relativité générale ou la mécanique quantique, etc) car la pensée porte le flambeau du savoir mais elle ne peut donner plus qu’elle ne possède, à part le doute et l’incertitude. »

« L’universalisme et la mondialisation actuelles font le lit d’une planification par le bas, façon communiste. La morale collective détrône l’éthique individuelle   : il faut rendre les autres heureux contre eux-mêmes   !

S’ils n’obtempèrent pas, on les déportera pour leur bien ou bien on les passera par les armes s’il le faut. L’idéalité du collectivisme extraverti doit devenir une réalité et n’est plus du tout compensé par l’altérité. Le salut du prochain en dépendant, il est hors de question de faire des exceptions : ce fut le mal du XXe siècle. »

Le lien entre l’homme et l’animal

« Alors, est-ce qu’il n’existe pas chez nos frères les animaux une faculté de représentation, une certaine capacité à associer des images, à tisser des liens de sens, même fragmentaires, entre un perçu immédiat et un vécu subjectif ? Sont-ils totalement dépourvus d’inconscient à cause de la barrière du langage ? Ne savent-ils pas communiquer dans leur propre culture naturelle, même s’il existe une barrière génétique qui les frustre du langage articulé propre à l’humain ?

Même si le langage et la pensée sont des néoformations récentes dans l’évolution de la psyché humaine, il est clair que l’encéphalisation de leurs capacités existe déjà dans le règne animal. Elles dépendent en fait de la structure double de l’inconscient, bipolarisée comme le cerveau. »

L’importance de l’âme

Sa vie, les épreuves qu’il a dues affronter l’ont conduit sur le chemin décrit par Jung, dont les travaux ont servi de fil conducteur à ses recherches. Il témoigne :

« Inutile donc d’adhérer à une confession particulière, il suffit juste que l’âme soit ici et maintenant le témoin d’une révélation intérieure qui jaillit naturellement des profondeurs de soi – et du Soi. Nulle preuve à la fin : seule une épreuve périlleuse pour éprouver l’amour infini, plus enivrant et numineux que tous les autres, transportant enfin notre finitude humaine vers les confins de l’Éternité. »

Et cette ultime interrogation :

« Ce monde existe et le miracle est qu’il y a ici-bas un être doué de conscience pour le voir, le savoir et le dire. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Personne ne peut répondre à cela mais c’est la seule vraie question ontologique qui mérite d’être posée face à l’Éternité… »

Le grand départ

Dans les pas de Jung, Jean-Claude Jugon fait partie des post-jungiens. Au moment de son décès, il venait de lancer une étude qui avait pour objet de « cerner d’un peu plus près la zone psychoïde de l’inconscient abyssal et les phénomènes synchronistiques ». Il n’aura pas eu le temps de la mener à bien. Il est décédé le 20 mai 2021, à l’âge de 71 ans.

Souhaitons que les textes de Jean-Claude Jugon inspirent d’autres chercheurs et leur donne envie de les poursuivre. C’était son vœu le plus cher.

 Jean-Claude Jugon est passé de « l’autre côté », ce lieu qu’il n’a jamais cessé d’explorer. Aujourd’hui il sait.

L’équipe EFJ présente ses plus sincères condoléances à ses proches.

Juillet 2021

 

Jean-Claude Jugon nous offre ce document inédit

Nous avons la chance de vous offrir au nom de Jean-Claude Jugon son dernier écrit inédit, nous devions le publier au moment de son décès.

Du côté du japonais ou la pensée extravertie revisitée 105 pages au format pdf

Sculpture de Kôsho datant de l’époque Kamakura (1185-1333)
qui représente le moine japonais Kûya Shônin (903-972).

L’article publié en avril 2021, Les différentes facettes de l’extraversion, est un extrait de ce document (pages 31 à 35).

Jean-Claude Jugon

Jean-Claude Jugon (1951-2021) est psychologue clinicien et docteur en psychologie. Il a vécu 26 ans au Japon. Ses travaux le conduisent, selon la vision junguienne de la psyché humaine, à étudier les ressorts psychologiques profonds qui animent les Japonais mais également d’autres peuples d’orient (Chine …).

Cet hommage à Jean-Claude Jugon retrace son parcours et ses travaux de recherche.

Articles et documents

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