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À la frontière de la science et du mythe

La formation des hypothèses est la phase imaginative de la démarche scientifique. Les archétypes, inimaginables, recréent et recomposent sans cesse ce que le cosmologiste perçoit de la réalité du ciel. Le retour des conceptions cycliques du devenir. 

Par Alain Nègre

Le doublement du carré dans le Ménon de Platon :
Comment connaît-on ?
Toute recherche n’est-elle que remémoration ?
Mémoire ou imagination ?
Découverte scientifique ou invention scientifique ?
La relation E = mc2 fut-elle inventée ou découverte ?

Science et imagination

Même infalsifiables, les modèles très spéculatifs évoqués dans le précédent article ont un grand intérêt. Car, quel que soit leur degré de plausibilité, ils n’en constituent pas moins des schèmes d’intelligibilité pouvant permettre la construction de nouveaux modèles ayant accès, eux,  au verdict de l’expérience. Tous basés sur des concepts de physique contemporaine, ils sont le fruit d’une grande ouverture à l’imagination, une imagination inspirée.

L’imagination inspirée, écrit Michel Cazenave, est

« une imagination créatrice de son mode singulier – mais créatrice parce qu’elle est d’abord réceptrice en l’âme humaine de ce qui lui survient à partir du « Néant du Réel », autrement dit, de la plus ténébreuse lumière du gouffre sans fond dont nous sommes issus.

Si, de ce point de vue particulier, nous ne saisissons pas qu’elle est par nature un moyen de connaissance, non seulement au sens de « l’imagination transcendantale » de Kant, qui opère des synthèses a priori, mais surtout au sens de la phantasia de Proclus, qui invente et qui découvre dans le même mouvement l’essence cachée de toute chose, et particulièrement du domaine mathématique en tant qu’il est parallèle, pour ne pas dire qu’il est différemment identique à la puissance de l’âme […]

comme si l’invention et la découverte, la création et la réception étaient nécessairement exclusives l’une de l’autre, mais ne se tenaient au contraire étroitement dans ce monde intermédiaire où elles trouvent tout leur sens et leur authenticité ! »

Michel Cazenave, A la rencontre de Carl Gustav Jung p 109-110

Ce monde intermédiaire dont parle Cazenave est celui de l’âme qui, traditionnellement, existait entre l’intelligible et le sensible. Disparue avec l’avènement de la science, l’âme a été reprise en compte en psychologie des profondeurs avec la notion d’inconscient qui est un autre nom pour l’unus mundus.

En ne modélisant que les seules structures physiques de l’univers, le cosmologiste scinde, en quelque sorte, l’unus mundus en tant que domaine holistique psychophysique. Il ne garde que la matière, l’énergie et l’information qui s’appréhendent grâce aux équations mathématiques de la physique.

Les structures psychiques perdues pour la connaissance perdurent dans l’inconscient. Elles peuvent transparaître comme reflets dans l’interprétation de la modélisation des structures physiques. En effet, dans l’interprétation, les archétypes – structures vides de l’inconscient cosmique – sont activés dans le récit qui est fait de l’histoire de la matière. Leurs reflets peuvent se révéler sous la forme d’éventuelles homologies et corrélations entre les divers éléments de chaque monde, spirituel ou matériel.

Archétypes et « appels de l’Être »

Dans le même esprit que Jung-Pauli, le physicien Bernard d’Espagnat a postulé une « réalité voilée » antérieure à la scission Esprit/Matière. Il sous-entend que cette réalité « n’est pas entièrement voilée ». À la place du terme « archétypes », il utilise celui d’« appels de l’Être » en quelque sorte murmurés à l’oreille du physicien et se manifestant dans les structures révélées par les lois de la physique.[1]

Ainsi, le modèle dominant de l’univers matériel de la cosmologie contemporaine dit quelque chose de l’invisible essentiel de la « réalité voilée ». Il dévoile la réalité – tout en la voilant dans sa dernière représentation – dans l’attente d’un meilleur modèle plus englobant.

Ainsi avance la science, dévoilant l’Un principiel au fur et à mesure des changements de paradigmes, des réfutations et des dépassements de modèles qui permettent de se rapprocher sans jamais l’atteindre de la réalité indépendante.

Reflets des quatre premiers nombres

Tous les nombres organisent, structurent et modèlent le monde. Mais dans l’ordonnancement de la multiplicité des phénomènes les quatre premiers nombres interviennent avec une plus grande fréquence. Pour la plupart, les schémas d’ordre primitifs sont des triades et des tétrades.

Voir aussi : Ariane Callot : L’importance pour Jung des nombres du un au quatre

L’interprétation du modèle cosmologique contemporain laisse entrevoir les reflets des quatre premiers nombres entiers sous la forme de « configurations rythmiques du continuum unitaire »[2] :

  • « Un » représente ce qui est indifférencié.
  • « Deux » représente la séparation, la polarité, l’opposition de la thèse et de l’antithèse.
  • « Trois » représente la réconciliation entre deux polarités, la nouvelle synthèse qui dépassent la thèse et l’antithèse.
  • « Quatre » représente la stabilité et l’unité reconstruite à un niveau supérieur. C’est le nombre du monde actualisé, par opposition à une totalité originelle irreprésentable.

Histoire de la matière

Le modèle cosmologique prévalant aujourd’hui s’interprète comme une histoire, une histoire de la matière née d’une fluctuation du vide.

C’est l’histoire d’un mélange de particules en expansion qui se refroidit tout en s’expansant et qui, vers l’âge de 380 000 ans, se différencie entre matière et lumière, se structure en galaxies, étoiles, planètes pour aboutir sur Terre à une biosphère et à l’Homo Sapiens.

L’univers passe ainsi par différentes phases où tour à tour domine le rayonnement, la matière puis l’hypothétique énergie noire répulsive qui serait responsable de l’expansion accélérée actuellement observée. Le modèle peut être extrapolé vers l’avenir, un avenir très lointain.

Modèles cycliques de type expansion-contraction

Les trois dernières décennies du XXe siècle avaient vu les cosmologistes hésiter entre une expansion indéfinie mais de plus en plus ralentie et un « Big Crunch » comportant des possibilités de rebond.

Mais les premiers modèles de rebond ne tenaient pas compte du second principe de la thermodynamique voulant que l’entropie ne cesse de croître dans un système clos ce qui ne cadrait pas avec la notion de cycles éternels. Ils reviennent en grâce aujourd’hui dans le cadre de la théorie de la gravitation quantique à boucles.

Modèles cycliques dans le cas d’expansion indéfinie

D’autre part, l’expansion accélérée favorisée par les observations actuelles n’empêche pas la possibilité de cycles. Telle est l’hypothèse de Penrose orienté vers ce type de modèle par l’« éléphant dans la salle » que constitue un univers censé devenir de plus en plus désordonné.

Car l’entropie, mesure du désordre, est déjà infinie dans son passé (parfaitement prouvé par les observations du rayonnement fossile qui font état d’un arrangement idéal de photons en équilibre thermique). En outre, Penrose note l’absence de matière au tout « début » de l’univers comme dans son futur lointain.

En effet, dans le premier cas les particules matérielles sont négligeables par rapport à la densité ambiante et, dans le second cas, les trous noirs auront avalé les particules matérielles puis se seront évaporés. Il ne restera que les photons et les gravitons qui ne connaissent pas le temps.

Ainsi aux deux « bouts » du temps linéaire, le temps s’évanouit : en effet, pas de matière donc pas d’énergie et donc pas d’horloge.[3] Par une transformation géométrique conforme, Penrose montre l’équivalence entre une contraction et une expansion infinie, conduisant ainsi vers une cosmologie cyclique sans début ni fin.

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Notes

[1] Bernard d’Espagnat, Un atome de sagesse : propos d’un physicien sur le réel voilé, Paris, Éditions du Seuil, 1982.

[2] Marie-Louise von Franz, Nombre et Temps, Paris, La Fontaine de Pierre, 1983, p. 91, 2012. Von Franz utilise ultérieurement d’autres variantes : « configurations rythmiques de l’énergie psychique, et j’ajouterais aujourd’hui – de l’énergie psycho-physique » dans Matière et Psyché, Paris, Albin Michel, 2002

[3] Entre énergie et matière : E = mc2 (c = constante) et entre énergie et fréquence : E = h f (h = constante).  Donc hf = mc2, d’où  f = (c2/h) m. Si m=0, f=0. Sans fréquence, pas d’horloge, pas de possibilité de définir une échelle de temps ni donc d’espace.

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