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L’archétype : facteur ordonnateur, principe formateur de l’univers

Le « ni … ni » et le « à la fois » règnent dans l’arrière-plan psychophysique. Articuler divers plans sans jamais les confondre. L’archétype. L’intuition d’un ordre caché est commune au physicien et au psychologue. La cosmologie est une discipline de la physique.

Par Alain Nègre

L’archétype n’est qu’une hypothèse. L’important est la forme archétypale. Pour faire comprendre la distinction entre l’archétype-en-soi et l’image archétypale ou symbole, Jung utilise la métaphore du système axial d’un cristal.

Par exemple, pour le cristal de sel de cuisine NaCl, la structure cristalline « cubique face centrée » à gauche est la forme vide de l’archétype alors qu’à droite les formes concrètes des cristaux individuels sont les formes archétypales :

  • les formes religieuses, culturelles : cinéma, musique, mode…
  • les formes prises dans l’expérience perceptive : rêves, inventions scientifiques…

Une vision verticale

Le « ni … ni » et le « à la fois » règnent dans l’arrière-plan psychophysique

Si le « ni … ni » et le « à la fois » du tétralemme règnent dans l’arrière-plan psychophysique, il est important d’insister sur l’assujettissement des phénomènes empiriques étudiés par la science aux principes de non-contradiction et du tiers exclus.

La totalité potentielle de l’unus mundus ‘monde un’ ne doit être confondue ni avec les totalités manifestées ni avec les ordres holographiques théorisés par la science lors des dernières décennies comme cela se présente dans le modèle holonomique du cerveau de Pribram ou l’ordre impliqué[1] de David Bohm.

Ces totalités actualisées relèvent du niveau de réalité que Michel Cazenave, dans son livre La science et l’âme du monde appelle le « Tout de l’étant » dans lequel s’origine le niveau de réalité des « étants » c’est-à-dire celui « des phénomènes séparés, relativement indépendants et soumis en tant que tels à étude analytique (…) et qui correspond à la physique classique, à la psychologie du conscient, à la logique traditionnelle, à la maya des hindous ou à l’ordre le plus explicite tel que l’expose David Bohm.»[2]

Cazenave propose ainsi quatre plans, résumés par moi dans le tableau ci-dessous. Les totalités actualisées du « Tout de l’étant » reflètent les totalités potentielles de ce qu’il appelle le « Plan de l’Être » qui est celui du non manifesté hindou, de l’unus mundus médiéval, de la seconde implication de Bohm et de l’arrière-plan psychophysique conjecturé par Jung et Pauli.

Articuler divers plans sans jamais les confondre

Cette vision poursuit Cazenave « a l’énorme avantage d’articuler divers plans sans jamais les confondre :

  • de ne pas appliquer, par exemple, la non-séparabilité quantique à l’ordre macrophysique des étants ;
  • de justifier la création de systèmes et de sous-systèmes qui s’engendrent hiérarchiquement de l’Être tout en prenant à chaque fois de nouveaux degrés d’autonomie (comme un système de miroirs qui se réfléchissent les uns les autres) ;
  • de développer une logique générale qui ne détruit pas les principes d’identité et de non-contradiction du corpus aristotélicien – qui rend parfaitement compte de notre réalité empirique – mais les dépasse en profondeur en les englobant dans son sein. »[3]

L’archétype

L’intuition d’un ordre caché est commune au physicien et au psychologue

L’intuition d’un ordre caché derrière les apparences du monde empirique est commune tant au physicien qu’au psychologue. Jung, considérant les symboles qui apparaissaient dans les rêves de ses patients et les structures de divers matériaux folklorique, mythologique et historique, est conduit à pressentir un au-delà des formes, les archétypes qui sont des formes vides de l’inconscient.

Elles sont équivalentes en psychologie aux idées de Platon en philosophie.

L’archétype en soi n’est donc pas une image ou un symbole. C’est une possibilité donnée a priori de la forme de représentation.[4] Les archétypes se transmettent comme des possibilités de représentations.

La conscience n’en perçoit que les manifestations à travers les religions, les cultures et les connaissances scientifiques. Pauli, s’intéressant à Johannes Kepler son prédécesseur du XVIIe siècle, en viendra à considérer les grandes inventions, les conceptions scientifiques comme s’enracinant dans ce même terreau.[5]

Si les lois de la physique nécessitent un long et fastidieux travail de discrimination de la conscience il n’en reste pas moins que la science autant que les mythes sont des manifestations de ces facteurs ordonnateurs situés au-delà de la distinction entre ‘physique’ et ‘psychique’.

La cosmologie est une discipline de la physique

La cosmologie est une discipline extrêmement fascinante de la physique. Son objet étant l’univers dans son ensemble, le cosmologiste est bien obligé de reconnaître qu’il en fait partie.

En intégrant dans son modèle la présence d’êtres conscients, cette discipline permet de recomposer les différents fragments de la connaissance et d’offrir la possibilité d’une réconciliation entre le sujet et l’objet, entre l’homme extérieur et l’homme intérieur. Bien entendu, comme déjà évoqué, cette recomposition ne peut se faire qu’en nourrissant une pensée à plusieurs niveaux de réalité.

La présente étude constitue le résumé du livre The Archetype of the Number and its Reflections in Contemporary Cosmology [6] dans lequel j’ai essayé de montrer comment la cosmologie contemporaine active des structures archétypales dans ses modèles les plus en pointe.

Les nombres gouvernent aussi bien la matière que la psyché

Outre l’hypothèse Jung-Pauli d’une totalité indivisible où la psyché et la matière forment une unité indifférenciée, j’utilise aussi leurs idées concernant ces archétypes fondamentaux que sont les nombres entiers.

Jung et Pauli, retrouvant le lien profond pressenti par Platon dès le Timée entre la puissance de l’âme et la signification du nombre, ont avancé vers une conception où les nombres gouvernent aussi bien la matière que la psyché.

Les aspects quantitatifs du nombre, en tant que pluralité d’unités, relèvent de la théorie des nombres et sont complémentaires aux aspects qualitatifs individuels. Distincts bien qu’originés au même fond, ces deux aspects permettent une relecture de l’histoire de l’univers qui fait ressortir symétries et processus dialectiques.

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[1] David Bohm suggère que cet ordre impliqué a son fondement dans un niveau plus subtil, plus profond, qui gouverne le premier. C’est le holomouvement qui est « indéfinissable et immesurable ». Dans David Bohm, La Plénitude de l’univers, Monaco, Le Rocher, 1987, p. 160.

[2] Michel Cazenave, La science et l’âme du monde, Paris, Albin Michel, 1996.

[3] Cazenave, ibid.

4] Carl Jung, Les racines de la conscience, Paris, Buchet/Chastel, 1988, p. 95

[5] Wolfgang Pauli, Le cas Kepler, Paris, Albin Michel, 2002.

[6] Alain Nègre, The Archetype of the Number and its Reflections in Contemporary Cosmology, Asheville, N.C., U.S.A., Chiron Publications, 2018.

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