La perversion narcissique est une pathologie de la relation. Le pervers narcissique use de stratégies de prédation. Ses agissements font énormément de dégâts dans la société.
Une pathologie de la relation
La perversion narcissique, pathologie de la relation, centre l’attention sur l’intersubjectivité.
Paul-Claude Racamier (1924-1996), qui l’a décrite le premier, la définit comme « une organisation durable ou transitoire caractérisée par le besoin, la capacité et le plaisir de se mettre à l’abri des conflits internes et en particulier du deuil, en se faisant valoir au détriment d’un objet manipulé comme un ustensile.[1] »
Avérée, elle consiste en une structure stable. Le sujet étant parvenu à s’établir serait ainsi à l’abri de tout conflit personnel. P.C. Racamier qualifie cette pathologie de contre-dépressive, anti-conflictuelle et anobjectale.
Plusieurs niveaux de perversion narcissique
Il importe de distinguer, d’une part :
- les traces de perversion narcissique, présentes chez tout un chacun,
- les moments de perversion narcissique liés à des situations de vie conflictuelles d’autre part,
- les organisations perverses narcissiques.
La perversion narcissique se constitue par nécessité chez l’individu ayant soit à se défendre contre la psychose, soit à éviter toute attraction de l’objet en constituant ce que Racamier nomme des « objets-non objets ». Ceux-ci sont des objets psychologiques auxquels certaines qualités sont refusées, comme par exemple le droit aux désirs propres.
Comme les autres pathologies narcissiques, la perversion narcissique constituée se caractérise par la présence des défenses archaïques : le clivage, le déni et l’identification projective.
Une stratégie de prédation
S’y ajoutent deux défenses majeures :
- d’un côté, l’extrajection en l’autre de ce que le pervers narcissique ne peut et ne veut reconnaître en lui-même et qui pourrait lui poser problème,
- de l’autre côté, la réduction de cet autre à la fonction d’ustensile, de marchepied ou de piédestal et sa mise sous emprise pour s’assurer qu’il continue à contenir ce que le pervers a mis en lui.
Le pervers narcissique use de stratégies de prédation et il prépare son piège bien avant que la victime ne s’en soit rendu compte.
« Avoir le droit de prendre à tout le monde sans jamais rien devoir à personne » constitue sa loi de fonctionnement. Il séduit sans vergogne et manie les mots comme des armes destinées non à communiquer mais à agir sur l’autre.
Ainsi, comme l’écrit Racamier : « la vérité est discréditée dans son essence même ».
Énormément de dégâts dans la société
Au vu du nombre croissant de victimes ou de pervers ratés qui consultent – le pervers narcissique réussi, lui, ne s’y aventure pas- cette pathologie occupe une place importante. Elle occasionne énormément de dégâts dans la société, entretient des états dépressifs qui résistent au traitement classique et mène quantité de victimes à l’abus de médicaments.
La fréquence du harcèlement moral, concept psycho-sociologique proche de la perversion narcissique, atteint de 9% à 10 % de la population, dont 52% souffrent de troubles psychosomatiques.[2]
Notes
[1] Racamier Paul-Claude, Le génie des origines. Psychanalyse et psychose, Paris: Payot & Rivages; 1992.
[2] Hirigoyen Marie-France, Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, Paris: La Découverte et Syros, 1998.
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Michel Cautaerts
Médecin psychiatre et psychanalyste jungien, ancien président de la Société Belge de Psychologie Analytique, Michel Cautaerts est un chercheur, clinicien et conférencier. Sa riche expérience s’étend sur plus de 40 ans. Il est l’auteur de deux ouvrages :
- « Je tu(e) il ». Manipulations et perversions: le sens du mal.
Lire un extrait de la préface rédigée par Michel Cazenave. - Couples des dieux, couples des hommes. De la mythologie à la psychanalyse du quotidien.