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Lilith, démone ou initiée ?

C.G. Jung a souligné l’importance des interactions entre le féminin et le masculin. Les attributs de la déesse Lilith, bien ancrés dans nos existences, se révèlent à travers l’analyse d’un rêve, nous dévoilant ainsi sa véritable fonction au sein de notre psyché.

Claudine Chatelain

Lilith est la première femme d’Adam. Quatre mille ans avant notre ère, à l’époque sumérienne, elle s’appelait ki-sikil lil-la c’est-à-dire la jeune femme aérienne. Elle vivait dans un arbre. Il s’agit là de l’archétype du Féminin primordial, une émergence de l’Archétype de la Grande Déesse.

Elle est évoquée une seule fois dans la Bible, mais apparaît à de nombreuses reprises dans la Kabbale. A ce moment-là cet archétype prend une connotation négative qui va générer les diverses peurs envers le Féminin. Par exemple à un homme la femme va apparaître comme dévoreuse et castratrice. Une jeune femme va percevoir sa mère ou sa belle-mère comme une sorcière marâtre, telle Cendrillon.

Le nom de cette figure mythologique s’est peu à peu transformé au fil du temps pour devenir Lilith en hébreu. Il signifie alors la nuit, LA ténèbre, l’absence de lumière. Elle a été transformée en sorcière par l’Eglise, et par le Patriarcat. Pourquoi ?

L’histoire de Lilith

Lilith a été créée à partir de poussière de terre, comme Adam. Elle se considère comme son égale. Elle refuse de se soumettre à lui et de s’allonger sous lui pendant l’accouplement. Adam s’oppose à son indocilité, Lilith prononce le nom de Dieu, elle est la seule à le connaître. Il lui pousse des ailes et elle fuit le Jardin d’Eden. A la demande d’Adam, Dieu envoie alors trois anges pour la convaincre de revenir mais elle refuse.

C’est alors que les anges lui annoncent qu’ils tueront cent de ses enfants chaque jour pour la punir de sa désobéissance. Elle répond qu’elle a été créée pour causer des maladies aux enfants. Ils conclurent un marché : si les enfants portaient des amulettes avec le nom des anges elle les laisserait tranquilles. Elle respecte cet engagement et épouse Samaël (Satan). De cette union naîtront de nombreux démons. Dans un deuxième temps, Dieu crée Eve à partir d’une côte d’Adam.

De quoi Lilith est-elle coupable ?

Les mots qui la caractérisent sont  : transgression, jouissance, indépendance, rébellion, insoumission, démone, infanticide, séductrice, dévoreuse…

On comprend pourquoi Lilith a été diabolisée par le christianisme et le patriarcat. Les sociétés occidentales sont basées sur la culpabilité, le rachat, l’expiation. Au contraire ce Féminin archaïque transgresse la loi du Père, et refuse le jardin d’Eden pour aller vivre le désir absolu. Elle représente toute la vision négative des femmes « dominatrices », par rapport à Eve la femme docile soumise et fertile.

C’est ainsi qu’on a brûlé les sorcières au XVIe et au XVIIe siècle pour leur libre esprit.

Dans notre psyché

C’est une figure primitive qui rassemble toutes les peurs ayant trait à la procréation. Cet archétype lorsqu’il se constelle chez un homme au sens jungien du terme, symbolise l’Inconscient tout entier qui alors est projeté sur le féminin. D’où les fantasmes de sorcières, démones, vampires, succubes…les multiples visages de l’Anima archaïque.

Et chez une femme ? Voici l’exemple d’un rêve fait par Liliane qui serait digne d’un roman policier.

Liliane est une belle jeune femme qui a vécu sa mère comme dévorante, avec un père plutôt inexistant. Elle peut être tranchante dans sa recherche de vérité et d’authenticité. Elle a la conviction que pour se guérir on recherche inconsciemment une sanction. Pour elle, la douleur du tatouage est un moyen d’accéder à la rédemption. Ses rêves précédents ont évoqué sa rencontre avec son père de l’ombre, Satan. On y trouve souvent des questions sur la vie et la mort, une prédisposition à une mémoire archaïque et à des prises de conscience évolutives.

Le rêve : l’ombre et le démon

« Je suis dans une salle de classe avec des amis. On sort de la salle avec le professeur (il est nouveau), il m’intrigue mais je ne le laisse pas paraître. On descend tous les escaliers, il y a une urgence. Certains cherchent un ascenseur mais le problème vient de ce même côté. Une partie des élèves descendent les escaliers et moi, je suis les autres dans un couloir, ce qui me fait perdre du temps.

Je les perds de vue car le couloir s’embrase rapidement d’une noirceur. Je pourrais aller droit devant, vu que le couloir est droit, ce que je commence à faire mais au bout de quelques secondes, je suis prise d’une angoisse. Je me replie sur moi-même, je suis au sol, je sens la présence d’un animal. Je le vois près de moi, par l’entre bâillement d’une porte, sur ma droite. La peur monte. L’animal est à moins de deux mètres. »

Les éléments du suspense sont en place :

« Une main sur mon épaule me rappelle, la brume noire se dissipe légèrement. C’est le nouveau prof qui est venu me chercher. Je me lève, on se prend la main. A l’énergie qu’il me renvoie, je sais qu’il s’agit de Satan, mon paternel sombre. Je ne lui dis pas que je l’ai découvert sous sa fausse apparence, car il aime jouer, mais connaissant son intelligence, il a dû sentir que je le sais.

On marche dans le couloir, on saute par-dessus une barrière, au-dessus du vide, au bout du bâtiment. Nos pouvoirs fusionnent naturellement. On est alors face à une énorme salle comme dans une galerie commerciale. C’est bondé de monde. On descend à la recherche du démon, par des escalators. On sent sa présence dans la foule. »

On est au cœur de l’intrigue :

« Finalement, je trouve le démon sous forme d’un énorme loup noir dans une maisonnette pour enfants, où ceux-ci jouent. Je le dis à mon père (Satan). Le loup me saute dessus, je retiens sa gueule béante prête à me mordre. Il se transforme en homme à la peau noire (vraiment noire et pas typé africain), il a des poils partout. Il sourit. Il me tient le bras triomphant. Mon père l’envoie alors valser dans les airs d’un revers de main, avec ses pouvoirs. Je me place derrière lui en protection. Je touche sa main, je ressens sa peau sous la mienne, je retiens la sensation agréable. Puis je colle mon visage sur son bras alors qu’il fait face au démon. Il sent légèrement la sueur mais ça ne me dérange pas, ça me rassure, même. »

Que montre le rêve ?

Ce rêve montre une évolution, un apprivoisement de l’ombre du Soi qui se transforme. Il trempe dans une atmosphère complètement «  lilithienne  ». En effet si Satan est son père de l’ombre, Liliane est donc fille de Lilith.

La rêveuse est en apprentissage. Elle doit se confronter à un « démon » intérieur, qui se manifeste sous plusieurs formes : l’urgence d’un danger, la noirceur, l’angoisse, l’animal, l’énorme loup noir, l’homme à la peau noire… Il devient de plus en plus précis et de plus en plus humain. Satan également s’humanise, il sent la sueur. La personnification permet une différenciation consciente. Le processus d’individuation est en marche.

Le noir évoque l’œuvre au noir alchimique, degré qui précède la régénération. Les vierges noires représentent à la fois la vie et la mort. Il y a une notion de jeu, le jeu du temps et de la mort. Liliane et son père de l’ombre s’envolent au-dessus du vide, ce qui rappelle les ailes de Lilith. Satan est « le prince des airs ». Tout comme son épouse, il incite à la transgression. L’étymologie de ce mot provient du verbe gradior qui signifie « franchir une ligne » et de trans qui veut dire « passer de l’autre côté ». Dans le rêve on sent une énergie de renversement. Satan fait donc traverser la rêveuse, il y a de nombreux passages dans ce message de son inconscient.

Vers quoi la dirige-t-il ? Que l’aide-t-il à traverser ? Avec lui, elle se confronte au loup féroce. Dans la mythologie scandinave, le loup géant Fenrir veut tuer tous les dieux et dévorer la lune et le soleil. Le loup se transforme en homme noir. Selon Clarissa Pinkola Estès, dans Femmes qui courent avec les loups, c’est le prédateur naturel de la psyché.

Liliane prend conscience de son existence à l’intérieur de sa psyché. Sa créativité est inhibée. A cette époque de sa vie, elle montre assez peu d’amour pour elle-même avec un manque de confiance en elle. Nous concluons que ce prédateur est coloré par l’animus dévorateur de sa mère biologique, lui-même teinté d’une ombre lilithienne. C’est le côté sombre de Lilith. N’oublions pas que les archétypes sont reliés dans notre psyché avant que nous les différencions.

Tout comme Lilith, Satan nous confronte à nos démons cachés, et c’est grâce à cette confrontation que la Lumière se révèle à nous.

Lilith reine de la nuit

Cette légende a donné lieu à des productions culturelles diverses. Lilith nous attend toujours dans notre psyché. Comme les autres archétypes, elle a une double nature. Démone ou amazone guerrière qui tranche à travers le «  mauvais  ».

L’opéra de Mozart « la flûte enchantée » la met en scène. Erich Neumann, avec lequel Jung a entretenu une abondante correspondance, en fait une belle analyse dans son livre la peur du féminin. Pour lui la Reine de la nuit représente l’Inconscient, en particulier en tant que Mère terrible. C’est le féminin qui ensorcelle, le danger originel… Mais c’est aussi elle, qui offre la flûte enchantée au héros, « expression de l’amour divin qui unit la Loi et la Liberté ».

Avec Lilith nous plongeons dans nos bas-fonds pour acquérir une lucidité fulgurante. Elle nous aide à nous délester de nos peurs inutiles, et à accéder au Désir primordial. Tout comme Isis, Lilith est une grande initiée. N’est-elle pas la seule à connaître le nom de Dieu  ?

Nous voici revenus à la femme qui vit dans l’arbre. L’arbre est un grand symbole du féminin. Dans de nombreux rêves les femmes s’identifient à l’arbre ou deviennent un arbre. L’arbre avec ses racines et ses feuilles est la vie, la genèse. En tant qu’initiée, Lilith vit dans l’arbre de la connaissance et de la sagesse.

Lilith, cette figure mythologique, a de beaux jours devant elle pour éveiller notre psyché tant individuelle que collective !

Février 2024

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Claudine Chatelain

C’est en 1989, à l’âge de 33 ans, que Claudine Chatelain a une révélation : elle découvre Jung à travers l’interprétation des rêves. C’est avec bonheur qu’elle ouvre la porte de son inconscient.

Elle est analyste jungienne et auteure. Son ouvrage, Au bord de l’Océan j’ai dessiné et j’ai rêvé, tisse des liens entre le dessin projectif, l’analyse des rêves et les fleurs du docteur Bach.

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