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Interview de Marie Louise von Franz

Réalisée par Rolande Biès en 1978.

Rolande Biès - Marie-Louise von Franz, comment vous situez-vous par rapport à Jung ?

Marie Louise von FranzMarie-Louise von Franz - J’ai commencé à dix-huit ans par une analyse avec lui et je l’ai aidé à traduire les textes latins et grecs de l’Alchimie. C’est ainsi que j’ai assisté à la naissance de ses pensées après sa soixantième année. Je suis devenue son élève. Je lui dois tout.

R.B. - D’où vient votre intérêt pour les contes de fées ? Quel est leur importance pour vous ?

M.L.v.F. - Madame von Beit m’a demandé de l’aider à écrire un livre sur les contes de fées. Mais elle ne voulait pas d’interprétation jungienne (après avoir fait un ouvrage de milles pages ! ). Alors j’ai continué seule et je me suis spécialisée dans l’interprétation psychologique. Ainsi j’ai découvert que les contes de fées sont les représentations archétypiques de l’inconscient collectif les plus fécondes, les plus variées et les plus fondamentales de tous les mythes. Ils nous livrent une " anatomie comparée " de l’âme humaine collective. Et puis ils sont beaux, et ils parlent directement à tout le monde.

R.B. - Vous avez collaboré à toutes les grandes œuvres alchimiques de Jung. Quelle est pour vous la place de l’Alchimie chez ce dernier ?

M.L.v.F. - Quand Jung descendit dans les profondeurs de son inconscient (après la séparation d’avec Freud), il produisit un énorme matériel symbolique qui ne semblait pas avoir d’analogies avec les mythes connus. Par ses rêves, il fut conduit à l’Alchimie, et là, il y découvrit tous les parallèles de ses expériences ! Ces dernières n’étaient donc pas que des images subjectives, elles continuaient un long rêve collectif humain, un rêve qui compense et complète ce qui manque dans notre mythe officiel chrétien et qui explique le développement des sciences naturelles. Pour lui (et pour moi), le mythe de l’Alchimie est le mythe de l’Occident, celui de l’ère du Verseau, le mythe qui pourrait guérir nos problèmes actuels.

R.B. - Que signifie l’Alchimie pour l’homme contemporain ?

M.L.v.F. - Notre monde conscient officiel souffre d’un conflit entre religions chrétiennes et sciences naturelles (souvent matérialistes et rationnelles). Les symboles de l’Alchimie réunissent ces deux mondes. Ils apparaissent spontanément dans beaucoup de rêves modernes. Le patient de Psychologie et Alchimie était physicien. Dans le symbolisme de l’Alchimie se trouve anticipée une réunion du monde de l’âme et de la matière.

R.B. - Que pensez-vous du parallèle entre la psychologie de Jung et la physique nucléaire ?

M.L.v.F. - Les hypothèses fondamentales de la physique sont des images archétypiques, c’est-à-dire énergie, particules, etc. Ce sont donc en dernière analyse des images psychiques (mentales). Au contraire, si l’on descend dans les couches les plus profondes de l’inconscient, on parvient à une couche qui n’est pas purement psychique mais semble miroiter des faits physiologiques, ou plutôt atomiques. C’est comme si l’on s’approchait d’une réalité unique (que Jung appelle unus mundus) par deux côtés différents, qui n’est plus psychique et pas davantage matérielle, le " mystère de l’être ou de la vie " qui transcende notre compréhension. Mais les modèles que l’homme se fait se rencontrent, si l’on s’approche du côté matériel ou psychique.

R.B. - Quel est, à cet égard, le sens du grand livre Nombre et Temps, que Jung vous a confié avant de mourir, pour que vous l’écriviez à sa place ?

M.L.v.F. - Jung m’a seulement donné quelques notes qu’il a prises sur les qualités individuelles des premiers cinq nombres, mais il a laissé les allusions indiquant qu’il y avait là comme une suite à l’idée de la synchronicité. Le reste, je l’ai assemblé, clarifié aussi bien que j’ai pu. Ce qui m’a surtout aidée, c’est la découverte que, dans la Chine antique, les nombres étaient reliés naturellement à l’idée de synchronicité. Ce sont probablement les " Naturkonstanten "  de l’unus mundus, de l’être psychique et de la matière.

R.B. - Si l’on voulait rénover l’enseignement pratique de la psychologie de Jung pour l’homme de la rue, que diriez-vous ?

M.L.v.F. - Dans le passé il était naturel à tout homme de prendre ses rêves en considération (voyez la Bible, par exemple). Certains rêves ont décidé du destin de l’humanité. Le rêve est la voix de l’instinct humain, qui peut nous donner un conseil dans des situations où la raison pure ne suffit pas ; par exemple, il peut indiquer le futur. Dans notre monde moderne, la nature n’est plus le grand danger pour l’homme, c’est maintenant l’homme lui-même qui est le grand danger, c’est à dire l’état de son âme. Par exemple, la bombe atomique, le terrorisme, les folies politiques (comme le nazisme), etc. Jung montre un chemin qui nous permet d’éviter ces dangers.

R.B. - Comment voyez-vous l’avenir de l’école jungienne ?

M.L.v.F. - Comme la psychologie de Jung commence à être très connue, elle attire des opportunistes, des ambitieux, des officiels, qui veulent la représenter sans l’appliquer à eux-mêmes. C’est là un grave danger. Jung prévoyait que ce serait plutôt ceux qui souffrent, ceux qui cherchent, ceux qui essaient de vivre avec sa sagesse, qui la garderaient en vie. Peut-être devons-nous passer par une catastrophe générale avant que Jung ne soit redécouvert, par les survivants, s’il y en a …

R.B. - Quel message adressez-vous aux jeunes, ici et maintenant ?

M.L.v.F. - Le message des hippies : " Do your own thing ", mais dans un nouveau sens : qu’ils s’appliquent à leur âme personnelle, qu’ils se laissent conduire par leurs rêves vers une créativité nouvelle qui pourrait faire revivre notre culture occidentale dans une forme nouvelle, où l’homme individuel libre est placé au centre, vivant en harmonie avec la nature, au lieu de l’exploiter et de la détruire. L’attitude fondamentale est une attitude d’amour, non de pouvoir.

Interview réalisée par Rolande Biès (1978)

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