Peggy Vermeesch dialogue avec l’analyste jungienne Susan Schwartz. Elles explorent l’impact de l’amour non partagé chez les filles d’un père absent, ainsi que la manière dont cette dynamique complexe peut être travaillée dans le cadre de la relation thérapeutique. Elles réfléchissent aussi à l’expérience commune de se sentir comme une imposture, et au besoin de faire tomber nos masques pour être pleinement nous-mêmes.
Schwartz donne la parole à des figures souvent mal comprises, telles que la Puella et Écho — des aspects archétypaux en nous qui portent un potentiel sous-estimé, de profondeur, de transformation et de guérison.
Entretien vidéo en anglais et sous-titré en français
Version anglaise de cet entretien
Cet entretien est centré sur les thèmes centraux des ouvrages de Susan Schwartz.
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Peggy Vermeesch: Je suis ravie de plonger dans vos recherches à travers les trois ouvrages que vous avez publiés, ainsi que votre prochain livre prévu pour juillet 2025. Ce qui m’intéresse le plus, c’est de comprendre comment ces différents sujets se connectent dans votre esprit et votre âme, comment vos intérêts et perspectives ont évolué au fil des années, et comment cette évolution a façonné votre travail en tant qu’analyste jungienne.
Impact du père absent
En 2020, vous avez publié votre premier ouvrage The Absent Father Effect on Daughters [L’impact du père absent sur les filles], avec le sous-titre « Désir de père, blessures paternelles ». Ce livre a été traduit en plusieurs langues, mais pas encore en français. Vous l’ouvrez de manière frappante :
« Il s’agit d’une histoire d’amour, mais d’un amour non partagé. Il s’agit des besoins qu’une fille a envers une figure paternelle, besoins rendus plus évidents et douloureux lorsqu’il est absent. »
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette histoire d’amour entre le père et la fille et à quoi cela ressemblerait dans une situation idéale ? Autrement dit : quels sont les ingrédients essentiels d’une relation père-fille suffisamment bonne ?
Susan Schwartz: Cela touche à de nombreux aspects différents. Il s’agit de la manière dont un père reconnaît et apprécie la force de vie de sa fille, à la fois semblable et différente de la sienne. Son amour, alors, sert à soutenir sa force d’être et son sentiment d’identité, même s’il se sent menacé ou dépassé par elle. Tout au long de sa vie, il serait présent sur le plan émotionnel, respectueux sur le plan physique, et l’encouragerait dans son développement corporel ainsi que dans la fierté qu’elle peut éprouver pour son corps, son esprit et son âme.
Cela peut sembler ambitieux, mais cela paraîtrait normal, comme si nous voulions favoriser le développement des enfants. Le problème, c’est que beaucoup de pères, génération après génération, n’ont pas eu de bons pères eux-mêmes. Espérons que cela soit en train de changer, mais sans cette base, ils ne peuvent pas vraiment transmettre un certain bien-être à leurs filles. Cela ne les dispense toutefois pas de leur responsabilité.
Beaucoup de pères donnent de l’argent, achètent des choses ou subviennent aux besoins. Mais offrent-ils une présence émotionnelle et relationnelle ? C’est cela que j’entends par amour. L’amour non partagé, c’est quand on le désire sans pouvoir l’obtenir. Cela crée une douleur intérieure. Cela suscite aussi un désir de grandir. Pensons à toutes les choses non partagées dans la vie des gens. C’est comme un vide. Nous voulons quelque chose, et dans ce désir, cela pousse au développement, mais de manière difficile. On veut quelque chose, et ce désir pousse au développement, mais de manière difficile. Cela peut freiner ce développement, voire l’étouffer. Cela peut faire en sorte qu’une fille se sente mal dans sa peau et adopte des comportements autodestructeurs sous de nombreuses formes.
Tant de femmes — mais aussi des hommes, en fait toutes les personnes, même si cela concerne particulièrement les femmes — et beaucoup de femmes avec qui j’ai travaillé, sont très destructrices envers elles-mêmes. Elles considèrent comme normal de ne pas s’aimer. C’est simplement comme ça. Elles croient aussi qu’elles ne peuvent pas atteindre leurs pères. Lorsqu’on leur demande : « Comment était votre père ? », la réponse est souvent réduite à une simple phrase, pas grand-chose. Il n’était pas là. Il n’interagissait pas.
Ainsi, ce sont là autant de façons dont nous ressentons que l’amour est non partagé. Si, enfant, on ne reçoit pas de réponse aimante, on croit que c’est de notre faute. On pense avoir fait quelque chose de mal. Et voilà à nouveau le thème de l’amour non partagé. L’amour de soi devient lui aussi non partagé. Le père n’est pas le seul à entrer en jeu, mais comme on a peu écrit sur les pères, il reste encore beaucoup de choses à démêler.
Vous mentionnez que cet amour non partagé « suscite un désir de grandir ». Ainsi, le désir mène au développement, mais il s’agit sans doute d’une question d’équilibre. Il faut qu’une certaine part de désir reste non partagée pour qu’il y ait croissance. Mais si tout est non partagé, alors cela échoue. Est-ce ainsi que vous voyez les choses ?
Je pense que c’est juste. Il y aura toujours un désir qui reste non partagé. Mais s’il y a un vide immense, il faut une quantité considérable de quelque chose pour venir à vous et vous permettre de vous développer. Et parfois, cela prend des années et des années.
Un autre point concerne la manière dont la romance père-fille est souvent valorisée dans certaines cultures, du moins aux États-Unis. Elle doit être sa chérie. Mais cela implique qu’elle soit réduite. Qu’elle reste petite. Qu’elle ne le dépasse pas. Là encore, son développement est freiné lorsqu’il n’y a pas assez d’appréciation de sa part, ou lorsqu’il ne la voit pas vraiment.
Bien sûr, il ne devrait pas la regarder de manière sexuelle, mais d’une façon sexuellement saine, sans la dévaloriser pour son esprit, ce qui arrive encore bien trop souvent. Il ne devrait pas non plus lui dicter comment elle doit être. J’emploie beaucoup de « ne devrait pas » ici.
Les choses évoluent aujourd’hui, mais il y a eu un immense vide autour de la figure paternelle, et en particulier concernant la relation père-fille. Très peu a été écrit à ce sujet ces 25 ou 30 dernières années dans la littérature psychanalytique, jungienne, thérapeutique et psychologique. Il y en a, mais très peu.
Tout tourne autour de la mère, n’est-ce pas ?
Tout tourne autour de la mère et il est toujours question de blâmer cette mère.
Peu importe qui sont les figures paternelles et maternelles : chacune doit garder l’autre à l’esprit. Cela donne à la fille un sentiment de solidité, une base sur laquelle s’appuyer. Mais si la figure paternelle est absente pour la fille, l’est-elle aussi pour le conjoint ? Dans ce cas, le conjoint se sent lui aussi mis à l’écart, ne recevant rien. On se retrouve alors avec une immense accumulation de frustration, de colère, de fureur, et d’auto-agression. C’est souvent ainsi que cela se manifeste.
Et peut-être même une forme de rivalité, s’il y a si peu du père à partager. Si la fille et le conjoint manquent tous deux de cette dimension masculine, pourrait-il y avoir une compétition entre la mère et la fille ?
C’est possible. Il pourrait aussi y avoir une rivalité entre la fille et le père. Lorsqu’on ne reçoit pas assez, il y a de la compétition, mais la compétition n’est pas forcément mauvaise si elle devient consciente. Tout cela peut être négatif et indésirable, mais si les gens prennent conscience de ce qui se passe, cela change tout. À ce moment-là, il y a une véritable chance.
Si cela reste caché et que tout le monde l’ignore, cela devient beaucoup plus difficile. C’est alors que l’on fait des rêves horribles – des monstres, des vampires qui vous poursuivent, toutes sortes de choses. Être poursuivi est une manière de vous réveiller à ce qui se passe vraiment.
J’ai donné une conférence sur le père absent et son impact sur les filles, devant un groupe d’analystes jungiennes et d’autres participants. Une personne a dit, très honnêtement : « J’oublie de poser des questions sur le père. J’oublie parce qu’il est tellement une non-personne. » C’était dans un autre pays, mais c’est souvent la même chose aux États-Unis.
Quand je pose des questions sur le père, la réponse tient en une seule phrase : « Il était là. » Est-ce qu’il te parlait ? « Non. » Puis viennent les excuses. On vous dit qu’il était introverti, qu’il était occupé, qu’il travaillait sans cesse, ou qu’il fallait comprendre ses humeurs. Vous entendez mille explications. Et les non-dits sont tout aussi puissants. En creusant un peu, on obtient parfois davantage, mais souvent très peu.
Est-il courant que les pères soient formidables, qu’ils correspondent à cette idée actuelle du père aimant avec sa fille, puis que tout commence à se détériorer lorsqu’elle entre dans la puberté ?
Oui, il existe des moments cruciaux dans la vie. Chaque jour compte, mais certains moments sont plus décisifs, et vous avez tout à fait raison. Que se passe-t-il à ce moment-là ?
Jung en parle en lien avec l’inceste et la libido — le père ne sait pas comment gérer le fait que sa fille grandit, parce qu’il n’est pas connecté à lui-même. Les choses deviennent alors très complexes. Le père n’a pas établi de lien avec les multiples aspects de sa propre vie intérieure, si bien que la fille vient menacer un équilibre déjà fragile. Et s’il ne parvient pas à faire face, il prend ses distances, il la rejette, et parfois prononce des paroles épouvantables. C’est choquant — il peut aller jusqu’à la traiter de pute, de salope, des mots qui nous font penser : « Vraiment ? Pourquoi dites-vous tout cela ? »
La raison, c’est qu’il n’arrive pas à faire face à son propre désir pour sa fille, qu’il trouve belle. C’est une forme de défense. Ce qu’il devrait faire avec ces sentiments, c’est la valoriser, lui dire qu’elle est formidable, qu’elle s’en sort bien — non seulement pour son apparence, mais pour son intelligence, ses capacités sportives, sa créativité. Tout cela refait surface à l’adolescence. C’est toujours présent, mais cela se cristallise à ce moment-là. Et si, en retour, la fille est confrontée à de la dureté, elle se détourne d’elle-même. C’est trop. Elle ne peut pas le gérer. Alors elle se coupe d’elle-même.
Si un père a été présent mais devient absent autour de la puberté, considérez-vous cela comme un exemple de père absent ?
C’est une histoire que j’entends souvent, et qui ne varie généralement pas selon les classes sociales, les origines ethniques ou les religions. Il arrivait à la gérer quand elle était petite, parce qu’elle était une petite fille. Elle acceptait tout et l’aimait. Mais une fois qu’elle atteint la puberté, elle devient plus différenciée. Elle ne l’aime plus forcément tout le temps. Elle veut discuter, elle vient d’apprendre quelque chose, et elle sait plus que lui.
Est-ce qu’il aime cela ? Non. Il la repousse, en partie parce qu’il a appris à être émotionnellement distant. Il a besoin d’apprendre à être en lien émotionnel avec lui-même et avec les autres, car sans cela, il ne peut pas élever sa fille.
En retour, elle est profondément déçue. Il y a là une énergie très forte. Dès qu’elle cesse d’être la petite fille à son papa, et qu’elle devient qui elle est, elle est perçue comme une menace. Il devrait être capable de gérer cela. Mais souvent, il n’y parvient pas.
Quel conseil donneriez-vous à un père qui traverse une telle situation ?
C’est intéressant, la manière dont vous formulez cela. Je ne donne pas vraiment de conseils, mais je poserais la question : « Que se passe-t-il pour que vous agissiez ainsi ? Que se passe-t-il en vous ? Que révèlent vos rêves ? Si vous faisiez un exercice d’imagination active à ce sujet, à quoi cela ressemblerait-il ? Pouvez-vous imaginer une autre manière d’être, afin que nous puissions ensemble essayer de créer d’autres possibles qui vous conviennent ? »
L’essentiel, c’est de se développer de l’intérieur. À mesure que le père évolue intérieurement, il transmettra aussi cela. Je ne donne pas d’instructions précises, mais nous pouvons, ensemble, trouver des pistes.
Vous dites cela au père que vous voyez en analyse, mais que diriez-vous à celui qui lit cet entretien, par exemple ? Á part : « Allez en analyse » ?
C’est une question intéressante, qui me rappelle un homme qui m’a écrit après la publication du livre. Il m’a écrit : « Je suis l’exemple type du père absent. J’ai trois filles. Je n’ai pas été assez présent. Je veux apprendre et être plus présent. »
C’est ce qu’il a retenu du livre : il voulait apprendre à être plus présent. Il était déjà ouvert. Je parie qu’une crise s’est produite dans sa vie, peut-être avec l’une de ses filles. Il a réalisé qu’il devait faire les choses différemment. Nous recevons tous ce feu rouge qui nous dit : « Attends une seconde, fais attention. » Et il l’a compris.
Comment exploreriez-vous les choses avec la mère, ou toute autre figure parentale, en présence d’un père absent ?
Je poserais la question : « Comment était votre père, et qu’avez-vous projeté sur votre partenaire, quel que soit son sexe ? Qu’avez-vous projeté qui soit lié à votre propre père — ce que vous aimiez ou n’aimiez pas ? Qu’est-ce que vous portez en vous en tant que fille que vous projetez sur votre fille ? »
En d’autres termes, les questions font émerger la connexion, qui est justement l’élément manquant. Et dans cette connexion, il y a une possibilité de développer quelque chose de différent, pas la même vieille chose — pas ce réflexe de dire « Je vais faire exactement ce que j’ai reçu, même si je ne le supportais pas, mais je vais quand même le faire. » C’est être inconscient.
En analyse, on espère que les personnes acquièrent de nouvelles options, des possibilités d’agir autrement. La mère a une influence puissante, dans la mesure où elle porte en elle l’image du conjoint — qu’elle en soit consciente ou non — et cela se transmet à la fille. Lorsqu’on évoque la mère, vous avez raison, c’est très complexe.
Et bien sûr, un autre élément important, c’est que nous vivons dans un monde où il y a beaucoup de parents célibataires. Il y a bien moins de pères célibataires qui élèvent leurs filles. En général, ils ont leurs enfants à temps partiel, rarement à plein temps. Je pense que c’est une réalité dans de nombreux pays. Il existe un certain stigma autour d’un père seul avec sa fille, surtout après la puberté. C’est un vrai tabou culturel. On en parle très peu.
Je suppose qu’il y a à la fois une peur culturelle et une peur plus personnelle.
Si ces choses deviennent conscientes, quand on peut en parler, ce n’est plus si effrayant. Il s’agit de la manière dont on utilise l’énergie érotique — l’Eros — dans la relation. Il ne s’agit pas de nuire à la fille, ni de rabaisser le père pour ce qu’il ressent, mais de lui permettre de transformer cette énergie pour le développement de sa fille, et non en une force qui l’écrase. Et trop souvent, malheureusement, c’est ce qui se passe, il l’écrase.
Et lorsque cela est profondément inconscient, l’énergie érotique pourrait-elle se manifester pour le père de manière véritablement effrayante ?
Cela pourrait arriver. Il pourrait aussi avoir un rêve perturbant. Cela pourrait donc se manifester de cette manière.
Un père pourrait également être physiquement présent, mais psychologiquement ou émotionnellement absent. Ou il pourrait y avoir un divorce ou une séparation, et il serait complètement parti. Ou bien il pourrait être décédé tôt. Il existe de nombreux types d’absence. Chacun a un effet légèrement différent, mais tous impliquent une perte et un processus de deuil afin de continuer à vivre et d’avancer.
Comment cette absence affecte-t-elle la fille plus tard dans sa vie ? Comment affecte-t-elle son corps, sa voix, et la manière dont elle s’exprime dans le monde ?
J’ai constaté que la perte doit être reconnue, tout comme le désir, ainsi que la colère et la frustration d’avoir eu un père inefficace et insuffisant ou, au contraire, un père trop puissant ou autoritaire : un père rigide, uniquement dans le rôle du disciplinaire.
Quand les blessures sont plus profondes, la guérison peut prendre plus de temps. Il y a souvent quelque chose de naturel qui se met en place. Pas toujours, mais souvent, on essaie d’embellir les choses, de les rendre moins dures qu’elles ne l’ont été, parce que c’était tout simplement trop horrible pour être accepté tel quel. Alors, on fait semblant : on se raconte des histoires, on trouve des excuses pour expliquer pourquoi il n’était pas là. Mais les faits sont là. Et cela vous atteint dans votre votre corps, votre intellect, votre carrière, votre concentration, votre développement, et votre famille. Cela affecte tout. Se raconter des histoires pour adoucir ce qui a été douloureux ne fonctionne pas. Cela ne prend que plus de temps pour enlever les couches.
Mais vous avez raison, cela affecte tout. Absolument tout ! Et cela cause d’immenses dégâts — sur le plan relationnel, personnel, psychologique, créatif. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Comment abordez-vous cela dans la relation clinique ? Vous avez déjà mentionné que vous posiez des questions sur le père et insistiez un peu si vous n’obtenez qu’une phrase.
Eh bien, si la personne me donne juste une ligne, je lui dirai : « Vous n’avez qu’une seule phrase pour un père qui était censé être avec vous pendant des années ? Que s’est-il passé ?
Et bien sûr, ce qui est nécessaire, c’est que le père entre dans le cabinet — métaphoriquement, symboliquement. Parfois, je deviens la figure paternelle, ou le père est projeté sur moi. J’en suis toujours reconnaissant et j’essaie d’en prendre conscience. Je poserai la question : « Pensez-vous que je suis en train d’agir comme votre père ? Qu’est-ce qui vient de se passer là ? Est-ce ce que vous n’avez pas reçu, ou ce dont vous aviez besoin, ou ce pour quoi vous êtes en colère ? Parlez-en. Discutons-en. »
De cette façon, le père perd de sa puissance dans la psyché, car vous ne pouvez pas laisser votre père diriger votre être. Ce n’est pas juste. Le Soi est censé diriger votre être, pas votre père. Donc, plus il est impliqué dans le processus analytique — à travers les rêves, l’imagination active et le transfert — mieux c’est, autant que je puisse en juger, car cela apporte de la clarté.
Y a-t-il quelque chose dont les thérapeutes devraient être particulièrement conscients lorsqu’ils travaillent avec des patients ayant souffert d’une grave blessure paternelle ?
Il faut reconnaître ce qui s’est passé. Et ne pas chercher à embellir les choses.
Il y a un autre aspect ici. Nous changeons tous. Nous espérons que la plupart des gens évoluent au cours de leur vie. Alors je pourrais dire : « Le père d’aujourd’hui n’est pas le père d’avant. » C’est une forme de différenciation. « Qui était ce père d’autrefois ? Quand avez-vous remarqué qu’il avait changé ? Cela vous a-t-il affecté d’une manière ou d’une autre ? » Les thérapeutes ne devraient pas simplement passer au-delà du père, mais vraiment demander : « Que fait-il là ? Comment a-t-il influencé les choses ? Est-il toujours tel qu’il est souvenu ? »
Certaines personnes ont été exposées à des situations extrêmement difficiles et traumatisantes et ne s’en souviennent pas. Il ne s’agit pas d’inventer des souvenirs, mais de reconnaître que si vous ne vous en souvenez pas, ce n’était probablement pas très bon. C’est une chose à laquelle il faut prendre le temps de réfléchir. Il doit y avoir une reconnaissance de ce qui se passe.
Trop souvent le père devient cette figure toute-puissante, alors que la fille ne l’est pas. Cherchez le mot père dans n’importe quelle littérature, et vous trouverez des associations avec l’autorité, le pouvoir, la discipline. Vraiment ? Comment en est-on arrivé là ? La mère, elle, n’est généralement pas associée à ces qualités. Pourquoi cette dynamique continue-t-elle d’exister ? Même chez des personnes qui se veulent très égalitaires, le père continue de recevoir ces projections. Notre langage en parle : patrie, patron, père fondateur, etc. Face à ce type d’autorité, les gens régressent, ils redeviennent des enfants, au lieu de se présenter dans leur posture d’adulte.
Nous parlons ici de quelque chose de douloureux sur le plan émotionnel. Douloureux aussi parce que cela a été très peu exploré. Jung, par exemple, n’a écrit qu’un seul essai sur le père. Il avait cinq enfants. Un seul essai ! Et il avait lui-même une relation compliquée avec son propre père. Freud aussi. Il suffit de regarder l’histoire et l’énergie générationnelle dont nous héritons tous d’une manière étrange. Nous y sommes tous sensibles.
Pendant que vous listiez les termes comme patrie, patron et père fondateur, je pensais : mais on dit bien langue maternelle, n’est-ce pas ?
Oui, c’est la langue maternelle, et vous avez mentionné la voix plus tôt. Mais quand le père a été si dominant, une fille hésite parfois à prendre la parole.
La psychanalyste et écrivaine française Hélène Cixous a beaucoup écrit sur la voix des femmes. Et elle dit qu’elle avait un très bon père. Je ne sais pas ce que cela signifie vraiment, un très bon père — mais c’est son impression. Elle parle de la voix des femmes, de l’écriture des femmes, de l’approche des femmes. Je ne sais pas si la voix des femmes est différente de celle des hommes, mais nous sommes élevés différemment. Ainsi, la voix peut être étouffée par le père qui ne comprend pas qui est sa fille. C’est comme s’il ne comprenait pas que son énergie doit aussi s’exprimer par sa voix.
En général, il est encore plus difficile pour les femmes de faire entendre leur voix dans notre société. Il est plus ardu pour les femmes d’être écoutées et même lues. Plusieurs études statistiques ont été réalisées, mais une en particulier a examiné comment le genre de l’auteur influence la perception de son travail. Il a été constaté que lorsque les gens voient un résumé de conférence avec le nom d’un homme, aussi bien les hommes que les femmes ont tendance à l’associer à une qualité scientifique supérieure et à exprimer un plus grand intérêt pour collaborer avec cet auteur (Knobloch-Westerwick et al. 2013).
C’est très triste.
Et cette étude date de 2013. C’est un problème contemporain.
Je ne pense pas que ce soit un problème du passé ; il reste tout à fait d’actualité. Nous disons souvent que les choses changent, et c’est vrai, mais pas assez vite. Il suffit de regarder votre exemple.
Consciemment, nous essayons d’amorcer un changement, mais inconsciemment, je pense que peu de choses ont réellement changé.
C’est notre héritage générationnel. Nous sommes tous soumis à cette histoire inconsciente et transgénérationnelle. Quelle que soit notre culture d’origine, nous la portons en nous. Et comme le monde devient plus petit d’une certaine manière, nous accédons à de nombreuses cultures et manières d’être à travers l’inconscient collectif. Il est essentiel de prendre conscience de ce que notre culture particulière véhicule sur la relation père-fille.
Et bien sûr, les cultures deviennent de plus en plus mêlées. Les films américains sont partout.
C’est vrai, et que promeuvent-ils ? Ils véhiculent une vision ancienne. Et pourquoi ? Parce que le changement met les gens mal à l’aise.
Vous avez demandé quelles questions les thérapeutes pourraient poser. Mais n’est-ce pas justement quelque chose qu’ils devraient découvrir à travers leur propre travail intérieur ? Qu’est-ce qui est important ? Qu’est-ce qui est inconscient ? Qu’est-ce qui est inconnu ? Où se trouvent les manques à combler ? Beaucoup de personnes ne peuvent pas regarder cela en face parce que ce n’est pas joli à voir. Ça ne l’est vraiment pas.
Il y a encore une chose que je voudrais mentionner. Du point de vue de la psychologie jungienne, nous pourrions poser la question suivante : quel est l’ombre du père ? Quelle est sa vie non vécue ? Ses frustrations ? Comment cela est-il projeté sur sa fille ? Par exemple, si le père se voit comme un homme à succès, quel type d’ombre projette-t-il sur elle ? Veut-il qu’elle réussisse tout autant ? S’il se perçoit comme un raté, doit-elle échouer elle aussi et ne pas le dépasser ? L’ombre du père projetée sur la fille peut être très puissante. Quelle part de sa vie non vécue attend-il qu’elle incarne pour lui ? Et cela correspond-il vraiment à ce qu’elle est ? Ce n’est peut-être pas le cas.
Et le pire, c’est peut-être que si elle vit réellement une partie non vécue de la vie de son père, de son ombre, alors il risque de la rejeter à cause de cela, parce que c’est justement son ombre. Il n’en veut pas. Ce serait une double trahison.
Oui, et regardez ce dont nous parlons : de trahison. Si le père ne soutient pas sa fille dans ce qu’elle est profondément, il la trahit. Et s’il veut qu’elle vive sa propre vie à lui, ou qu’il se mette en colère parce qu’elle le fait ou ne le fait pas, elle est piégée — et lui aussi. Personne ne peut alors vivre sa propre vie.
Ce n’est pas un sujet joyeux. Mais ce qu’il y a de particulier dans le fait de regarder en face les aspects sombres — la trahison, la perte, le chagrin — c’est que cela touche aussi à la manière dont nous nous en relevons. C’est donc aussi lié à l’espoir et à la joie. Parce qu’il faut avoir de l’espoir ! C’est l’espace du désir. Qu’est-ce que je désire vraiment ? Pas seulement de la part du père, mais dans ma vie. Comment vais-je l’obtenir ? Comment puis-je rassembler mes forces pour y parvenir ? Il faut avoir de l’espoir. Sinon, nous ne le ferions pas. N’est-ce pas ? Nous ne le ferions pas.
Non. Parce que c’est un travail difficile, et long.
Cela prend toute une vie. Mais que ferions-nous d’autre ? Qu’est-ce qui peut vraiment aider le monde, sinon notre propre croissance et notre propre développement ? Alors autant s’y mettre.
Syndrome de l’imposteur
En 2023, vous avez publié votre deuxième ouvrage Imposter Syndrome and the ‘As-If’ Personality: The Fragility of Self [Le syndrome de l’imposteur et la personnalité ‘comme si’ : la fragilité du soi], non traduit en français. Pourriez-vous en dire un peu plus sur ce sujet — ce qui vous a poussé à l’explorer et, peut-être, s’il existe un lien entre ce phénomène et l’expérience d’un père absent ?
J’ai lu un article rédigé par une analyste jungienne, Hester Solomon, sur la personnalité ‘comme si’. En le lisant, je me suis dit : Mon Dieu, je rencontre tant de personnes comme cela — des femmes, des hommes, n’importe qui. Dès la première séance, ils vous disent : « Je suis une imposture. Je suis un imposteur. Je mens. Je ne vis pas ma vraie vie. Personne ne me connaît vraiment. » J’ai alors cherché davantage d’informations à ce sujet, mais il y en a très peu.
Ce thème est lié à celui des femmes et de leur voix. Une femme nommée Helene Deutsch, psychanalyste freudienne des années 1940, a écrit l’un des premiers ouvrages sur la question, intitulé La psychologie de la femme. Dans ce livre, elle aborde la personnalité ‘comme si’, mais uniquement chez les femmes — pas chez les hommes — et la décrit comme superficielle, peu profonde, instable, incapable. Elle les dévalorise en quelque sorte.
Mais Hester Solomon a vu quelque chose d’autre. Elle a vu que la personnalité ‘comme si’ était un masque porté par une personne sensible, tendre, vulnérable et effrayée de se révéler. Ainsi, ces personnes mettent des masques, une façade. Elles deviennent des imposteurs pour elles-mêmes. Solomon respectait ce qui se passait à l’intérieur de ces personnes. J’ai pensé que c’était quelque chose dont personne ne parle. Mais dans mon expérience, beaucoup de personnes disent : « Je suis un imposteur. » Pourquoi disent-elles cela ? Parce qu’elles ne veulent plus être des imposteurs. C’était une des raisons pour lesquelles j’ai écrit ce livre.
Cela est en lien avec avec le père et les thèmes que j’explore dans mes livres suivants — notamment le narcissisme. Nous apprenons à être singuliers par défense. Je suis seul. Personne ne comprend. Mon père ne comprenait pas. Il a essayé de faire de moi quelque chose d’autre. La seule façon d’échapper à cela était d’être ‘comme si’. Et c’est un endroit tellement douloureux. C’est très triste. J’ai écrit ce livre parce qu’il est important de se libérer de ce besoin de porter des masques, pour pouvoir être soi-même.
J’ai parlé avec de nombreuses personnes qui m’ont raconté comment elles se perdaient dans le miroir, comment elles ne s’y regardaient jamais, ou même comment elles avaient fini par les retirer complètement. Le miroir est très important. Mais qui reflètent-elles à travers lui ? Le père ? La culture ? Les attentes de la société ? Elles-mêmes ? Tout cela est lié. L’objectif est de se libérer de la croyance selon laquelle il faut un masque, de ce sentiment qu’on ne peut pas être son vrai soi. Parce que l’objectif est d’être soi, peu importe ce que cela représente. Ce n’est pas toujours confortable. Mais que pouvez-vous faire si vous ne vous êtes pas vous-même ?
La psychologie a exploré le syndrome de l’imposteur — c’est pourquoi j’ai utilisé ce terme aussi — mais cela concerne surtout la vie consciente. Une approche analytique inclut aussi l’inconscient. Les gens peuvent se retrouver dans leurs rêves, littéralement en train de mettre un masque, de faire semblant, de répéter des conversations. Tout cela concerne la façon de cacher l’ombre, de chercher à être parfait, d’avoir le corps parfait. Et voilà encore une fois — le physique. Pourquoi a-t-on besoin du corps parfait ? Qui l’a exigé ? Le père ? La mère ? La culture ? Ou soi-même ?
Cette quête de la perfection est si illusoire. On ne peut jamais vraiment l’atteindre.
Je me demande si c’est pire lorsque les gens peuvent s’en rapprocher. Si vous ne pouvez jamais atteindre ce ridicule idéal de beauté dans notre société occidentale, peut-être êtes-vous contraint de vous réconcilier avec votre propre apparence.
Les gens le font, mais vous savez à quel point c’est difficile. Ils diront : « Je fais de l’exercice, » ou « J’ai perdu du poids. » Je demanderai : « Êtes-vous satisfait de vous-même ? » et ils répondront : « Oh non, il me reste cinq kilos à perdre, » ou « vingt-cinq. » Il y a toujours quelque chose qui reste à améliorer. Ce sentiment de contentement, ce sentiment de soi, la sécurité intérieure, sont remplacés par la fragilité. C’est pourquoi les gens ont l’impression de devoir paraître parfaits.
Je n’ai pas écrit ce livre pour être simplement négative. Je l’ai écrit pour ouvrir quelque chose, afin que les gens puissent se poser la question : « Est-ce que c’est moi ? » Et si c’est le cas : « Comment puis-je grandir et me développer ? » Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas prendre soin de soi. Mais la manière dont vous le faites importe—être conscient de cela, savoir que vous comptez. Vous comptez. Et pour beaucoup, cette dynamique vient d’un profond sentiment de ne pas compter.
Je donne l’exemple de Sylvia Plath, la poétesse américaine-britannique des années 20. Elle a écrit un poème intitulé The Mirror [Le Miroir]. Dans ce poème, une femme se regarde et se sent critiquée par ce qu’elle voit. C’est typique. Les gens se regardent dans le miroir, et il leur répond : « Tu n’es pas assez bien aujourd’hui. » Encore et encore.
Mais dans le poème, elle regarde aussi dans un lac—comme si elle regardait dans les profondeurs d’elle-même. Et c’est là que résident les réponses. Dans les profondeurs, vous trouvez davantage de qui vous êtes. Vous n’êtes pas obligé d’être piégé dans une définition superficielle de vous-même. Votre véritable valeur est là-bas. Et de là, vous pouvez la ramener à la conscience.
Le lac est une image merveilleuse.
Archétype de la Puella
Votre troisième livre A Jungian Exploration of the Puella Archetype: Girl Unfolding [Une exploration jungienne de l’archétype de la puella. La fille en devenir], explore l’archétype de la jeune fille. Dans votre article sur Esapce Francophone Jungien, vous offrez une représentation agréablement bienveillante et nuancée de la Puella, apportant un contrepoint nécessaire à la manière dont elle est souvent décrite, tout comme le Puer.
Qu’est-ce qui vous a inspiré cette perspective ? Vous êtes-vous sentie poussée à défendre la Puella et à mettre en avant ses nombreuses qualités positives dans un monde qui a tendance à la voir uniquement comme enfantine ou dépendante ?
Quel mot intéressant : poussée. Cela signifie que quelque chose est important. La Puella est généralement ignorée ou dévalorisée, tout comme le Puer, comme s’il n’y avait aucune valeur dans cette énergie, ou comme si, une fois arrivé à un certain âge, il ne fallait plus accéder à cette énergie. Pourtant, tout au long de la vie, on veut avoir de l’énergie et une certaine jeunesse, ne pas être pris dans cette énergie mais être capable de créer, d’être énergique, de voir les choses sous un autre angle, et de trouver sa profondeur. Parce que si vous ne vivez pas la fille—la Puella—tout au long de votre vie, que va-t-il se passer ? On ne peut pas se couper d’une partie de soi-même.
Dans le livre, je parle d’une femme dans la soixantaine qui est devenue très créative malgré un diagnostic difficile de la maladie de Parkinson. Elle était comme une Puella. Elle suivait des idées, créait des choses, restait engagée. Mais pas de manière frénétique, ce qui peut parfois être un trait de la Puella qui ne mène nulle part, sans rien de concret accompli. Ce qu’elle a fait était différent. Elle s’est permis de ressentir sa douleur et sa perte, et elle a travaillé avec cela. Elle parlait ouvertement de ce qu’elle ressentait vraiment. J’ai vu en elle cette merveilleuse énergie de la Puella—vivante, expressive—et elle l’a utilisée pour vivre aussi pleinement qu’elle le pouvait.
Cela, pour moi, est quelque chose dont nous avons tous besoin : vivre une vie pleine et ne pas être arrêtés. Et la Puella aide à cela. Trop souvent, j’ai entendu des gens dire : « Oh, elle est une Puella », comme si c’était une mauvaise chose. Mais pourquoi est-ce supposé être négatif ? Je voulais changer cette perspective. Ce n’est pas mauvais. Comme pour tout, cela dépend de la manière dont on l’utilise.
Amour et narcissisme
Votre prochain livre An Analytical Exploration of Love and Narcissism; The Tragedy of Isolation and Intimacy [Une exploration analytique de l’amour et du narcissisme : La tragédie de l’isolement et de l’intimité], doit sortir en juillet 2025. Pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que nous pouvons attendre de cette exploration ?
Dans ce livre, je parle beaucoup du mythe de Narcisse et d’Écho. J’introduis Écho parce que, comme beaucoup de figures féminines, elle a tendance à être oubliée. Elle devient anorexique, perdant complètement son corps dans le désir d’amour. Narcisse, lui aussi, perd son corps dans ce même désir.
En lisant Ovide, il y a cette phrase magnifique : « Narcisse ne sait pas qui il voit lorsqu’il regarde dans le bassin. » Encore une fois, nous avons le miroir. Il ne se reconnaît pas. Et c’est ça la tragédie : la personne narcissique ne sait pas qui elle regarde. La véritable tragédie, c’est l’isolement. Voici encore le thème de la singularité. Il ne peut pas voir l’autre. Mais pour grandir, nous devons voir d’autres parties de nous-mêmes. Lui, il ne peut pas. Il ne voit qu’une seule partie et ne sait même pas que c’est lui.
Un autre élément est que la mère de Narcisse a appris du sage Tirésias que s’il se connaissait, il ne vieillirait pas. Il y a quelque chose dans le fait de vieillir qu’il ne peut pas accomplir, car cela ne va pas lui révéler qui il est. Il meurt sans savoir qui il est. C’est une histoire de désir profond et insatisfait, et d’amour non partagé.
Dans le livre, j’utilise le mythe pour explorer les figures d’Écho et de Narcisse. D’autres ont écrit sur Écho, bien que pas beaucoup. Écho, indépendamment du genre ou du sexe, a souvent le type de personnalité de ne pouvoir que faire echo à l’autre. Mais ce qu’elle en fait est fascinant. À travers son ton de voix, son choix de mots, elle s’exprime. Elle n’est pas complètement réduite au silence. C’est elle qui poursuit Narcisse.
Cela renverse l’histoire—et c’est le défi. Trop souvent, les gens disent : « Untel est narcissique » et les rejettent. Ce que je dis, c’est : ne les rejetez pas. Oui, ils peuvent être narcissiques. Mais cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas les atteindre. Allez-y ! Essayez de les atteindre !
Essayez d’être Écho, mais ne vous perdez pas vous-même ?
C’est exactement ça. Renvoyez l’écho avec force et ferveur, mais ne vous perdez pas dans leur trip de singularité. Et confrontez-les. Parce que, encore une fois, derrière cela se trouve une personne très fragile, vulnérable et tendre, et c’est pour cela que le narcissisme s’est développé.
Et parfois, un narcissique peut être très dangereux. Si vous essayez d’être Écho et que vous vous perdez, cela peut vous détruire.
Eh bien, si vous vous perdez n’importe où, vous êtes détruit. Vous avez raison. Et est-ce dangereux de se perdre ? Oui. Vous ne pouvez pas vivre si vous vous êtes perdu. Je suis tout à fait d’accord. Donc, l’objectif est de se retrouver. Quelle autre protection avons-nous ?
J’ai remarqué un thème récurrent dans vos livres et les sujets que vous choisissez : il semble y avoir un fort accent sur la défense de ceux qui sont souvent négligés ou marginalisés.
Un peu. Je dirais aussi peut-être ce qui reste à découvrir, ou ce qui n’a pas encore été exploré jusqu’ici. Et je pense qu’il est important de soulever toutes les pierres pour y trouver la valeur, car il y en a ! Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles certaines choses restent dans l’ombre, et elles ont besoin d’être simplement explorées et révélées.
Je vous remercie beaucoup pour votre temps et cette conversation enrichissante. Vos réflexions ont offert une perspective fascinante sur les paysages psychologiques explorés dans vos récents ouvrages, et ce fut un plaisir d’échanger autour de vos idées et de la profondeur qu’elles apportent au discours jungien contemporain.
Pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet de la Puella, je vous invite à consulter Explorer l’archétype de la puella : La fille en devenir, un article introductif perspicace de l’auteure, ainsi que la présentation du livre sur le même sujet.
Entretien original et traduction réalisé par Peggy Vermeesch – mai 2025
Bibliographie
- Knobloch-Westerwick, S., Glynn, C.J., & Huge, M. (2013). The Matilda Effect in Science Communication: An Experiment on Gender Bias in Publication Quality Perceptions and Collaboration Interest. Science Communication, 35(5), 603-625.
Susan E. Schwartz, PhD
Susan E. Schwartz, PhD, a été formée à Zurich, en Suisse, en tant qu’analyste jungienne. Elle participe à de nombreux podcasts et intervient fréquemment lors de conférences et de programmes pédagogiques sur l’analyse jungienne aux États-Unis et à l’international.
Susan E. Schwartz a publié de nombreux articles dans des revues et des chapitres d’ouvrages sur la psychologie analytique jungienne. Ses livres, exclusivement édités chez Routledge, sont les suivants :
- The Absent Father Effect on Daughters: Father Desire, Father Wounds (2020), traduit en plusieurs langues
- Imposter Syndrome and the ‘As-If’ Personality: The Fragility of Self (2023)
- A Jungian Exploration of the Puella Archetype; Girl Unfolding [Une exploration jungienne de l’archétype de la puella. La fille en devenir] (2024)
- An Analytical Exploration of Love and Narcissism; The Tragedy of Isolation and Intimacy (2025)
Son site web est www.susanschwartzphd.com.
Sur ce site
- Explorer l’archétype de la puella : La fille en devenir — un article par Susan Schwartz
- Amour non partagé, blessure paternelle et fragilité du Soi — un entretien avec Susan Schwartz, mené par Peggy Vermeesch (également disponible en vidéo : version originale anglaise, sous-titré en français)