Dans ce livre Yves Buisson engage une réflexion exigeante sur le mal, non comme concept abstrait, mais comme expérience vécue, individuelle et collective, à laquelle nul ne peut se soustraire. Loin des réponses morales ou idéologiques, l’auteur invite à une confrontation lucide avec cette part sombre, condition nécessaire pour que du sens et de la transformation puissent advenir.
Lorsque le mal est reconnu
Ce à quoi le Mal a droit n’est pas un livre de plus sur le mal, entendu comme une catégorie morale ou une abstraction philosophique. C’est un ouvrage qui prend le risque de déplacer la question, en la faisant sortir des cadres rassurants où nous aimons la maintenir. Yves Buisson ne cherche ni à expliquer le mal, ni à le condamner, ni à le circonscrire dans une typologie. Il s’attache plutôt à une interrogation plus dérangeante : que se passe-t-il lorsque le mal est reconnu comme une dimension incontournable de l’expérience humaine, individuelle et collective ? Et surtout, que devient une vie psychique, sociale ou spirituelle lorsque cette dimension est niée, projetée ou instrumentalisée ?
Le livre progresse comme une vaste traversée, à la fois anthropologique, psychanalytique et symbolique. Il convoque des références nombreuses, Jung, Girard, Bataille, Solié, Annick de Souzenelle, mais aussi l’histoire, la mythologie, la clinique, les phénomènes contemporains de violence et de radicalisation. Toutefois, ces références ne sont jamais utilisées pour produire un système clos. Elles fonctionnent comme des points d’appui, des relais, permettant de penser ce qui résiste précisément à la pensée ordinaire : la destructivité, la cruauté, la jouissance de nuire, mais aussi les formes plus silencieuses du mal, celles qui s’installent dans le corps, dans la répétition, dans les compromis quotidiens avec l’inhumain.
La question du sacrifice
L’un des fils directeurs du livre est la question du sacrifice. Non pas le sacrifice héroïque ou édifiant, encore moins le sacrifice idéalisé, mais le sacrifice comme épreuve de vérité. Yves Buisson montre combien le sacrifice peut devenir perverti lorsqu’il est exigé des autres, imposé au nom d’une cause, d’un idéal ou d’un ordre moral. Mais il rappelle aussi qu’aucun processus de transformation ne peut faire l’économie d’un renoncement réel, qui touche à ce que le sujet tient pour essentiel, sans garantie de récompense ni de rédemption.
Ce livre interroge ainsi frontalement notre époque : une époque qui se veut débarrassée du tragique, mais qui en multiplie paradoxalement les manifestations. Une époque qui condamne le mal avec vigueur tout en en produisant sans cesse de nouvelles figures. En refusant les réponses simples et les positions surplombantes, Ce à quoi le Mal a droit engage le lecteur dans une confrontation exigeante : non pas avec le mal des autres, mais avec les zones d’ombre qui traversent toute existence humaine.
Ce n’est pas un livre confortable
C’est un livre qui oblige à ralentir, à supporter l’incertitude, à renoncer aux évidences morales. Mais c’est précisément en cela qu’il ouvre un espace rare : celui d’une pensée qui n’évacue pas le mal, sans pour autant s’y soumettre, et qui tente, patiemment, d’en élaborer une conscience.
Éditeur : Terre Noire – Collection Transmutation – Préface de Jean-Pierre Robert – 2025 – 150 pages – ISBN 9-782-487-51911-4 – 15 x 22 x 1 cm
Yves Buisson
Né à l’équinoxe d’automne 1948, Yves Buisson a été tour à tour adolescent fugueur, vagabond parfois lointain, chevrier-fromager, patient puis psychothérapeute d’approche corporelle-émotionnelle, éducateur-animateur, acteur de prévention sanitaire (saturnisme), psychopraticien jungien.
Ces expériences l’ont confronté à des rencontres, agréables ou non, lui ont donné des regards évolutifs sur la vie, et l’ont amené à écrire.
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